19 août 2018

Déluge!

C'est de nouveau dimanche matin, mais rien de commun avec le précédent: toute la nuit il a plu à boire debout, une de ces ondes tropicales qui sont soit la queue d'un ouragan qui nous a ratés de peu, soit les restes d'une tempête avortée plus haut dans l'Atlantique. De grosses gouttes à la verticale n'ont pas cessé de tambouriner par longues portées sur le toit de notre cabine, accompagnement jazzé à une nuit plusieurs fois interrompue. Certaines arrivaient même à s'infiltrer sous nos bordures de hublots étanches et venaient ruisseler sur les murs et les vitres dans la faible lumière diffuse qu'une demi-lune glissait à travers des couches superposées de nuages sombres.
Ce n'est que peu avant six heures, alors que les chiens de la campagne voisine finissaient de hurler en réplique aux fanfares des coqs, que le ciel a commencé à s'éclaircir, permettant à un soleil pâlot de montrer son nez au-dessus des collines qui forment la rive est du Cul-de-Sac du Marin. Mal reposé, mais incapable de me rendormir, je monte dans le cockpit, iPad à la main. Et comme je commence à taper le blogue, le mauvais temps me joue un dernier tour: l'humidité ambiante fait des micro-courts-circuits dans mon clavier détachable habituellement fiable, donnant souvent deux caractères au lieu d'un quand j'appuie sur une touche de la seconde et même parfois de la dernière rangée: j'écris «matin», j'obtiens «mat5i8n6». Joli, n6on6?
Autre effet météo secondaire: pas d'Internet à bord depuis vendredi soir. Et j'avais promis à l'ami Philippe Ursulet une prompte réponse à sa flatteuse invitation de tenir avec lui cet automne au Lamentin une expo de nos efforts de peintres amateurs... ce qui me donnerait la parfaite excuse pour revenir faire un tour en Martinique dans quelques mois. Bon, il attendra mon coup de fil, en bon Antillais pour qui la patience est un défaut congénital.
Je l'avais croisé il y a trois jours, pendant que je déambulais (pour la première fois depuis au moins deux ans) le long du Boulevard Allègre qui borde la rive marinoise, depuis la petite plage des pêcheurs sous l'église jusqu'au bout de la nouvelle marina, à la limite de Sainte-Anne. Nous sommes allés dévorer un lunch gastronomique au Zanzibar voisin: crabes farcis, noix de saint-jacques sur rizotto, pluma de pata negra et écrasée de bananes jaunes plus un agréable morgon bien frais; là, dans les méandres d'une de nos récurrentes conversations sur sa passion pour le jazz des îles, nous nous sommes découvert un autre goût commun, pour la peinture à l'acrylique ou à l'aquarelle. D'où l'invitation.
L'autre bonne nouvelle de la semaine, c'est que mardi, aussitôt que les travaux de bord le permettent - il faut remplacer d'urgence les frigos, devenus capricieux pour ne pas dire pire - , nous piquons les nez (ben oui, c'est un cata!) vers le large pour une ballade de quatre jours avec Twiggy et un nouveau skipper, Ignace: départ par le sud vers le Rocher du Diamant et le Morne Larcher, première escale à la Petite Anse d'Arlets, d'où une voiture nous emmènera au bourg natal d'Azur -- nous savons d'expérience qu'accoster au quai du Diamant même est pratiquement impossible, vu le puissant ressac des vagues sur la longue grève.
Visite au caveau familial du cimetière de bord de mer, «p'tit feu» en apéritif avec les cousins Larcher et un autre avec ce vagabond de Pancho, ancien patron de la Maison du Marin-Pêcheur maintenant à la retraite, et retour au moëlleux mouillage pour la nuit. Le lendemain, flânerie le long de la Côte Caraibe jusqu'à Saint-Pierre où je compte grimper à la Distillerie Depaz, sur les flancs de la Montagne Pelée, pour refaire mes provisions de leur fabuleux rhum de plantation hors-d'âge. Et les deux jours suivants, retour par le même chemin, à moins que...

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