28 janvier 2019

Déroute trumpienne

C'est un peu tôt, mais il est tentant, après une semaine chaotique, de faire le point sur l'état de la Présidence américaine. Voici comment j'analyse la situation ce dimanche midi:

a. Indubitablement, Trump s'est effondré. Il a beau prétendre que non, il est clair qu'il a accepté un «deal» qui est nettement moins bon que celui qu'on lui offrait en décembre avant le «shutdown» et qu'il a rejeté (ne l'oublions pas) sous la seule pression d'une minorité d'extrême-droite et contre l'avis de ses alliés parlementaires.
b. La journée de jeudi a montré à quel point ses appuis au Congrès ont commencé à s'effriter. Les votes aussi bien à la Chambre qu'au Sénat ont été bi-partisans, oui, mais à sens unique: pour une ou deux défections chez les Démocrates, il y en a eu trois ou quatre fois plus chez les Républicains... sans compter la valse-hésitation de plusieurs autres, préoccupés de l'effet négatif de leur appui au Président sur leurs chances de réélection en 2020.
c. À l'opposé, la même journée a marqué le triomphe de la stratégie de son adversaire la plus expérimentée et la plus intraitable, Nancy Pelosi. Elle a réussi non seulement à maintenir solidement l'unité de ses troupes, mais même à en dissimuler les inévitables dissensions internes entre conservateurs, modérés et gauchistes du parti. Dans une deuxième bataille, il lui sera d'autant plus facile de faire accepter la poursuite de sa stratégie par la Chambre où elle est majoritaire et de rétablir l'unanimité du bloc Démocrate minoritaire au Sénat.
d. En-dehors du Congrès, M. Trump a clairement perdu l'appui ferme d'une partie de son propre personnel (Maison Blanche, Cabinet) et surtout de sa base de partisans de la droite dure, dont plusieurs des porte-parole l'ont carrément accusé de trahison de leur cause, les autres faisant preuve d'une fidélité de façade qui manque clairement d'enthousiasme et de conviction.
e. Il est illusoire de croire qu'en trois semaines, face à des adversaire ressoudés et sans une sérieuse force de négociation, M. Trump va obtenir un compromis qui sera même minimalement acceptable pour ses partisans les plus acharnés.
f. Les six dernières semaines ont confirmé et renforcé une majorité d'Américains de toutes obédiences dans l'opinion qu'un Mur mexicain n'est pas nécessaire ou, à tout le moins, ne constitue pas une priorité urgente méritant des mesures extrêmes.
g. Il est donc relativement facile pour les Démocrates de proposer une formule qui démontre leur adhésion à la défense des frontières (personnel plus nombreux et mieux équipé, outils technologiques de pointe, règles juridiques) sans offrir un seul sou pour une barrière physique. Et il sera difficile pour les élus Républicains de refuser une telle proposition, et tout aussi difficile pour le Président d'invoquer un pouvoir d'exception lui permettant de financer son Mur sans l'autorisation du Congrès.
h. Les évènements extérieurs à venir (enquête Mueller, témoignages publics des «repentis» du Trumpisme, action des tribunaux, nouvelles révélations) risquent beaucoup plus de nuire à l'image et à la position du Président que de les favoriser.
i. Le fait d'avoir nommé systématiquement dans les tribunaux fédéraux de haut niveau des juges ultra-conservateurs risque de se retourner contre lui: écartelés entre leurs préférences idéologiques et leur soumission maniaque à la lettre de la loi, il est fort possible que ceux-ci optent pour cette dernière, comme la Cour suprême vient de le faire en rejetant son recours dans le cas du DACA.

Dans les circonstance, je doute que nous devions attendre même les trois semaines du délai prévu pour voir comment le vent va tourner.

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