14 novembre 2020

Êtes-vous démocrate?

Bien sûr, direz-vous. Mais comment réagirez-vous au test le plus simple qui peut confirmer ou infirmer cette affirmation?

Le principe de base de la démocratie, que ce sont les citoyens dans leur ensemble qui doivent décider qui exerce le pouvoir politique, semble incontestable. Mais il se fonde sur une idée si simple qu'on ne l'évoque jamais: la certitude que la plupart des gens ont raison la plupart du temps. En effet, quelle serait la justification d'accorder un tel pouvoir de décision à une masse de gens dont la plupart N'ONT PAS raison la plupart du temps? Ce serait idiot, non?

En d'autres termes, quiconque affirme que l'ensemble des citoyens est trop volatil et émotif, ou qu'il est trop influencé par diverses propagandes ou fausses informations, pour qu'il mérite qu'on lui fasse confiance, conteste de manière fondamentale la validité du principe démocratique. Donc, ou bien cet individu n'est pas vraiment démocrate, ou alors il prétend l'être même en admettant que ce n'est pas une bonne idée. 

Or, cette méfiance à l'égard de la volonté populaire, associée à la conviction qu'il faut s'en protéger, est une des bases de la formule représentative (qu'utilisent la totalité de nos régimes «démocratiques» libéraux) selon laquelle les élus ne sont pas tenus de respecter la volonté de leurs électeurs... et elle inspire aussi le besoin que ressentent beaucoup de groupements de gauche d'une «avant-garde prolétarienne» ayant l'autorité de dicter leur conduite à la masse de leurs membres. 


Si bien que la question se pose: qui, parmi nos élites d'un côté comme de l'autre, peut vraiment se dire «démocrate»?

Et vous-même, l'êtes-vous?

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(ajouté en réponse à Pierre Sormany le 16/11) 

Si l'histoire récente nous apprend  quelque chose, surtout aux États-Unis mais aussi au Canada, en France et en Angleterre, c'est que le consensus permettant une cohérence d'action est de moins en moins réalisable dans le groupe restreint d'une élite de pouvoir, surtout quand les partis ne sont plus des confréries idéologiques, mais des coalitions dont le principal intérêt commun est la recherche du pouvoir. Dans ce cas, il est tout aussi réaliste de chercher le consensus dans une masse de citoyens désormais plus instruits et mieux informés, que dans une «classe politique» dont, de surcroît, on voit de plus en plus que ses intérêts propres divergent de ceux du peuple. 


L'exercice du journalisme, et dans plusieurs pays, m'a appris (malgré certaines réserves) qu'on sous-estime souvent, et parfois volontairement, la capacité des «gens ordinaires» à saisir les grands enjeux et à percevoir au moins aussi bien que les élites où se situe le bien commun. Je crois aussi que des expériences comme celle de la Barcelone d'Ada Colau montrent que le peuple peut parfaitement «apprendre en faisant» et donc améliorer sa capacité de comprendre et de s'unir derrière des objectifs communs valables.


J'oublie le nom du chef d'entreprise brésilien populiste qui avait dit, il y a une vingtaine d'années, que «si la femme de ménage qui nettoie mes bureaux peut gérer un budget domestique dans une inflation à 300%, il n'y a aucune raison de croire qu'elle ne peut pas comprendre un bilan d'entreprise ou le budget d'une province»! Une caricature, mais qui frôle de près la vérité.


En d'autres termes, je suis maintenant convaincu (n'oubliez pas que je pioche sur les entrailles de la démocratie depuis près de trente ans, quand j'écrivais «La Démocratie cul-de-sac») que la formule représentative est non pas un principe durable, mais un pis-aller qui était jadis justifié par les circonstances, mais qui est de plus en plus obsolète. Le temps est mûr pour passer, graduellement et en prenant les précautions qui s'imposent, vers une démocratie directe qui fasse confiance au bon sens et au civisme du citoyen moyen. Et il me semble que le choc causé par la pandémie offre l'opportunité d'entreprendre cette transition.

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