04 mars 2022

Une Surprise ukrainienne

 L’analyse initiale que je faisais la semaine dernière du contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’était pas optimiste. Je craignais que les réactions du reste du monde soient dispersées, relativement lentes, limitées à des mesures économiques à long terme qui auraient peu d’influence sur l’avenir immédiat, et que la capacité de résistance de l’Ukraine soit handicapée par un manque d’organisation et des conflits internes.

Or, malgré le fait que la plupart des facteurs que j’évoquais étaient réels ou du moins probables, la rapidité et la quasi-unanimité de la réponse inernationale aussi bien que la résistance interne du pays envahi s’avèrent pour moi une agréable surprise, et sans doute une très mauvaise pour Vladimir Poutine. L’Union européenne a vite refait son unité et résolu le gros de ses désaccords; la Grande-Bretagne de Boris Johnson a réagi fermement et intelligemment; les Nations-Unies, malgré l’inévitable paralysie du Conseil de Sécurité, ont fait preuve de diligence et de rigueur dans une Assemblée générale d’urgence; enfin aussi bien les citoyens que les forces armées de l’Ukraine, inspirés par un Président qui s’est révélé bien supérieur à l’image qu’on s’en faisait, opposent une résistance admirable qui a fortement ralenti la progression des envahisseurs.

Reste la réaction américaine, qui a été rapide, bien ciblée et relativement vigoureuse, mais un peu trop modérée à mon goût. Je regrette en particulier l’affirmation de la Maison blanche qu’en aucun cas, ses forces armées ou celles de l’Otan n’interviendraient, et l’absence d’une «ligne rouge» interdisant au Président Poutine d’exercer toute tactique de terreur prenant directement pour cible la population civile (ce qu’il a hélas fait aussitôt que sa démonstration de force militaire a montré des ratés). Celui-ci, on le sait, est surtout affecté par les manifestations de force, en particulier militaire, et le fait pour ses adversaires de se priver dès le départ de cette menace ne leur accorde pas la latitude qu’ils devraient avoir dans des négociations qui seront ardues. Le refus d’imposer une zone d’interdiction militaire aérienne sur l’Ukraine, quoique prévisible, est aussi un aveu de faiblesse dans l’optique russe; une alternative risquée mais crédible aurait été qu’avec l’accord de l’Ukraine, les forces de l’Otan effectuent de constants vols d’observation au-dessus du pays, bien à la vue des aviateurs russes autant que du monde entier, filmant et documentant systématiquement toute agression aérienne contre des cibles civiles.


De la même façon, sans intervenir agressivement, ce sont les Casques bleus (majoritairement composés de militaires provenant de pays neutres ou modérés) qui devraient assurer le respect des corridors d’évacuation des civils vers les pays voisins ou les régions plus paisibles. Enfin, il devrait être clair que la survie physique et institutionnelle du gouvernement ukrainien démocratiquement élu et de son chef est un préalable non négociable à toute résolution du conflit; même la chute éventuelle de Kiyv devrait se faire sans que leur vie soit mise en danger et leur permettre un départ honorable vers l’exil. Même en cas de victoire russe, il ne devrait pas être question que Moscou s’empare de l’État ukrainien dans son ensemble.

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