12 mars 2023

Quelle semaine!

Tout en mettant quelques efforts pour régler les derniers problèmes liés à la maison de Montpellier, je dois avouer que ma vraie priorité est de profiter des derniers (beaux) jours de mon séjour ici. 

Le printemps, après s’être longtemps fait désirer, est là dans toute sa gloire: 22 degrés à l’ombre – bienvenue sous un chaud soleil méridional – , les parterres balaient de discrètes violettes sous un véritable tapis jaune et blanc de pissenlits et de pâquerettes, les terrasses se remplissent d’étudiantes aux longues jambes et bustiers audacieux accentués par des minijupes et t-shirts échancrés…

Difficile de résister à la tentation de flâner dans une ville essentiellement jeune et piétonne, sillonnée par quatre rames de tramways colorés dont le rythme nonchalant incite au vagabondage. Armé selon le cas d’une canne ou de la foutue marchette, je passe le clair du temps que me laissent les frustrantes poursuites téléphoniques du fisc, de la banque, du syndic et des assureurs, à arpenter vieilles allées et rues aux pavés inégaux, dont les dédales aboutissent toujours à de charmantes placettes médiévales ou rococo bordées de cafés accueillants. 

La quasi-secrète Place de la Canourgue, en particulier, s’est bizarrement transformée en un épicentre gastronomique, sans doute inspiré par la migration en son sein du mythique Jardin des Sens des jumeaux Pourcel. Ceux-ci, qui avaient fermé il y a 4-5 ans leur trois-étoiles follement végétal des bords du Lez, l’ont réouvert l’an dernier sous la houlette plus classique des Relais & Châteaux, dans le superbe hôtel XVIIe siècle Richer de Belleval: des chambres aristocratiques, un bistro haut-de-gamme dans le jardin d’hiver avec terrasse donnant sur la place et un temple gastronomique égrené dans une succession de salons de réception aux plafonds peints, sculptés et dorés.


C’est là que j’avais invité mes amis Savonet à me retrouver jeudi soir dernier, mais ils se sont décommandés, préférant partager dans quelques jours un épisode plus campagnard à déguster des fruits de mer frais sortis de l’Étang de Thau, derrière Sète. Faisant contre mauvaise fortune coeur gourmand, je me suis quand même présenté tout seul comme un grand, et on m’a installé (un peu dans le style de Brel à son «dernier repas») à une table solitaire sous une improbable volée d’angelots bourdonnant autour d'une partouze champêtre rococo, pour un inoubliable banquet en dix services bien dans la tradition Pourcel. 

Dix services qui en réalité se décomposaient en plus de vingt, plusieurs étant constitués d’une pléiade de délicieuses petites bouchées thématiques: légumes, fruits de mer, charcuteries, douceurs, encadrant trois «vrais» plats admirables: des saint-jaques dans une sauce tout juste fruitée, une viande fondante de veau traitée de trois façons et une concoction pécheresse au chocolat que j’ai à peine effleurée… Pas besoin de dire que j’ai honteusement «calé» bien avant la fin, survenue près de trois heures plus tard. 

J’ai quand même eu droit à la courtoise visite de Jacques Pourcel dans son tour de table traditionnel de fin de soirée. Comme je lui rappelais que l’ex-gendre de «Tabarnak-de-tabarnak» Lalonde (jadis de la tribu Latraverse à Montréal) avait fait chez lui un stage si prometteur que ses patrons l’avaient signalé à Alain Ducasse qui l’avait pris au Paris-Athénée, où il a poursuivi une belle carrière, il s’est assis à ma table… et le Jardin des Sens s’est mué le temps d’un espresso en jardin… des souvenirs! 

Retour à la maison à pied et en tram dans une nuit quand même frisquette, pour digérer tout ça.

Mes autres visites dans le quartier m’ont fait redécouvrir à quelques pas le Comptoir de l’Arc à la cuisine fusion repensée et La Morue dont les nouveaux patrons ont rehaussé si possible le culte du poisson frais, ainsi que découvrir l’Artisane, micro-resto gastronomique joliment et savoureusement animé par deux rescapées de la regrettée Diligence de la Place Pétrarque, sans compter un excellent bar à vins astucieusement campé en face d’un caviste de qualité. À vrai dire, je peine à imaginer une concentration pareille de délices culinaires variées, même à Paris ou Lyon.



Pour le contraste nécessaire, j’avais la veille bouffé de bonnes moules chez mon copain Régis, Place Jean-Jaurès, et j’ai passé une bonne partie de l’après-midi d’hier à la Comédie, à avaler un curieux parmentier de canard à la purée de patate douce avant de suivre les péripéties de la manifestation (enthousiaste mais quelque peu modeste, il faut dire) syndicale et citoyenne contre l’absurde «réforme des retraites» qu’est en train d’imposer à la France cet idiot prétentieux de Macron. Presque de quoi me redonner la nostalgie de Montréal! 

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