18 décembre 2024

Déclin de l'Empire américain (remake)

 Je m’étais promis de ne plus parler ni même penser à la politique washingtonienne, mais je dois avouer que face à l’actuel cafouillis, c’est plus fort que moi. Ma seule excuse, c’est que contrairement à la quasi-totalité de ses critiques, je ne vois pas Trump comme une menace, mais comme un révélateur. Une sorte de «litmus test» non pas languette de papier rose et bleuâtre, mais toupet orange et argenté! 

C’est à la fois jouissif et douloureux de voir l’intelligentsia américaine écartelée entre sa rancoeur envers l’électorat et sa propre incapacité à en percevoir les réactions angoissées et passéistes. Nous, de l’extérieur –et moi en particulier, pour être franc– avions au moins l’excuse de ne pas être présents sur place pour en faire le constat. 

Comment Kamala et son Tim, et les gens qui les conseillaient, n’ont-ils pas vu que leur pire stratégie pour contrer le populisme revanchard du MAGA était de faire appel au ban et à l’arrière-ban des establishments sociaux et culturels qui sont précisément ceux contre lesquels la révolte «redneck», justifiée ou pas, est la plus aiguë? Leur bulle élitiste était certes plus étanche que je ne pouvais l’imaginer! 

Le peuple yankee dans son ensemble n’a ni souvenir d’un passé qu’il imagine tout en rose, ni vision d’un avenir qui, clairement, ne correspondra pas à ses désirs. Vivant uniquement dans l’immédiat le plus étroit, il refuse de voir aussi bien derrière, la feuille de route déplorable et instructive du «minable» qu’il vient d’élire que devant, les défis considérables auxquels il doit faire face pour réussir un «atterrissage en douceur» de son rôle dominateur vers celui, plus modeste mais vivable, de puissance respectable sur son déclin. 

La Rome impériale du 5e siècle, l’Espagne dorée du 16e, la France de Louis XVI, l’Autriche et l’Empire ottoman de 1914, l’Angleterre de 1945, la Russie de 1990 ont pourtant clairement démontré la tendance probablement irrésistible non seulement des dirigeants mais des peuples mêmes qui se trouvent dans cette situation à choisir de se cramponner à leur glorieux passé plutôt que d’agir pour se replier vers un avenir moins brillant. 

Il faut dire que, comme en France et presque partout d’ailleurs, la gauche dont le rôle principal devrait être de proposer une vision réaliste mais avantageuse pour tous de l’avenir, s’avère tragiquement inapte à un effort dont il faut dire qu’il est loin d’être évident ou facile. Non seulement elle  n’a aucune réponse claire au défi très réel d’une immigration massive face aux contraintes sociales et économiques imposées par la crise écologique et la rupture technologique, mais elle n’en cherche même pas, s’accrochant à un mirage du plein emploi bien rémunéré et à la défense des droits de minorités que la majorité voit comme des menaces. 

Dans ces conditions, le titre prémonitoire du film de Denys Arcand, «Le Déclin de l’Empire américain», perd toute sa connotation satirique pour en prendre une infiniment plus réaliste.

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