24 décembre 2024

Joyeux Noël... quand même?

Dans l'esprit du plus traditionnel des voeux de saison, ceci est ma carte de Noël à tous, sincère mais atypique. À la fin d'une année troublée et à la veille d'une autre qui ne s'annonce guère meilleure, j'ai voulu essayer de résumer dans une seule page la vision du monde que m'ont inspirée mes cinq-sixièmes de siècle de vie, dont près des deux-tiers comme journaliste passionné par le sort de l'humanité, dans une variété de domaines. Voici ce que ça donne:

1. Notre monde est confronté à trois problèmes de fond que le système politique dominant n’arrive clairement pas à résoudre.

  • La crise écologique et ses effets économiques et sociaux, qui exigent des correctifs mettant en cause certains des principes “libéraux” hérités du Siècle des Lumières: primauté de l’individu sur le collectif, sacralisation de la propriété privée et croissance économique illimitée.
  • Le tsunami technologique de la robotique, de l'informatisation, de l'intelligence artificielle et leurs effets perturbateurs sur l’emploi et sur la distribution de la richesse commune par les voies habituelles du salariat généralisé et de la retraite universelle garantie.
  • La mondialisation financière et ses effets économiques et sociaux, surtout la chaotique migration des populations pauvres et menacées vers les pays riches et les conflits socio-culturels qui en résultent.

2. Le mécanisme représentatif accorde le monopole du pouvoir législatif et exécutif à une oligarchie de fait, très majoritairement issue d’une classe bourgeoise instruite et partageant les caractéristiques suivantes:

  • Elle se renouvelle essentiellement par cooptation grâce au filtrage des candidatures et au contrôle des appareils de partis.
  • Ses membres, peu importe leur orientation idéologique, ont tous ou presque des intérêts communs ou similaires.
  • Elle n’a donc aucune envie de réaliser des réformes même cruciales et urgentes dans une structure socio-politique qui la favorise outrageusement.
  • Elle trouve son profit à s’associer aux élites financières et médiatiques, leur attribuant par le fait même une légitimité «démocratique» trompeuse.
  • Elle favorise la passivité de la masse populaire en lui faisant croire que les solutions à ses problèmes ne peuvent venir que de «sauveurs» élus.
  • «Le pouvoir corrompt», disait Machiavel. Le concentrer dans une caste politique restreinte ne peut que concentrer aussi la corruption, peu importe la moralité initiale des individus impliqués.

3. La dynamique politique dans un contexte démocratique ne peut dépendre du centre, qui n’a pas de principes d’action qui lui sont propres. Elle ne peut venir que de la tension et du dialogue entre deux pôles incontournables, légitimes mais opposés.

  • une gauche qui défend l’égalité de tous, le partage de la richesse entre tous au nom du bien commun et le désir de changement;
  • une droite qui prône le respect des hiérarchies, la primauté des droits et appétits individuels et la stabilité dans la sécurité. 

4. Une vraie laïcité de l’État, sans concessions à aucun groupe, n’est pas une question de justice ou de moralité, mais une exigence de survie dans des sociétés fortement hétérogènes – ce qui implique l’acceptation de cette règle par toute croyance qui prétend avoir le monopole de la vérité, notamment l’Islam. L'admettre n’est pas faire preuve de discrimination ou de racisme, mais de réalisme et d’équité envers l’ensemble des populations.

Face à ce quadruple constat, le modèle «représentatif» qui conditionne notre forme de démocratie doit absolument être remis en cause, afin de mieux respecter la volonté et les intérêts réels des peuples; il faut cependant préserver une structure de gouvernement efficace et transparente, indispensable à la prospérité et à la paix sociale dans des collectivités aux coutumes et aux intérêts divers, parfois opposés. Une telle rupture politique est un préalable incontournable à toute réforme majeure de la société et de l’économie, puisque les élites créées et maintenues par l'actuelle formule y posent un obstacle irréductible. La croyance que les problèmes sociétaux peuvent se résoudre en-dehors de l’arène politique par une modification volontaire des pratiques individuelles est une tentante mais dangereuse illusion. 

Comment une transition systémique inévitable peut être réalisée sans des bouleversements violents, probablement meurtriers, est la difficulté majeure qui se pose aux nations du monde dans l’avenir immédiat.


Joyeux Noël tout de même, et surtout paix sur la Terre aux personnes de bonne volonté!

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