Le village autour de nous se dépeuple. Il y a une semaine, au moins trois des voisins proches nous ont quittés, après une fête d'adieu assez réussie sur le ponton. Et hier, c'était au tour de Mamayamba (l'ancien cata de Yannick Noah qui était amarré juste devant nous) de partir se mettre au mouillage à quelques milles d'ici, du côté de l'Anse Caritan.
Je dis village? Plus nous partageons la vie de la marina, plus elle nous fait penser en effet à un petit village, mais d'une espèce bien particulière.
D'abord, la population est très fluctuante: tous les jours ou presque, des voisins s'en vont et d'autres viennent prendre leur place, que ce soit sur notre rue (ponton), soit dans le proche voisinage. Parfois, cela se fait au compte-gouttes, parfois par de véritables migrations, comme c'est le cas ces jours-ci.
De plus, dans un village traditionnel, lorsqu'une famille s'en va, du moins sa maison reste là. Dans une marina, chaque famille disparaît (ou arrive) avec sa "maison", qui peut être bien différente de celle qui la suit ou la précède. Et il arrive fréquemment que l'espace ainsi libéré n'est pas rempli immédiatement, mais demeure vacant plusieurs jours, voire des semaines.
Enfin, presque tout ce qui se passe chez quelqu'un a lieu au vu et au su de tous les voisins, depuis la douche matinale jusqu'à la lessive et aux petits travaux (devoirs des enfants, lavage de vaisselle, réparations...). Comme la surface habitable des bateaux est généralement exiguë, beaucoup d'activités qui, dans une maison, auraient lieu à l'intérieur déménagent sur le pont ou même sur le ponton voisin.
Tout cela crée un climat bien particulier d'intimité forcée, où la tolérance et l'esprit d'entr'aide doivent compenser pour l'espace restreint, souvent aléatoire, qui reste à la vie privée. À la fin du compte, on s'y fait assez bien... après quelques ajustements pas toujours évidents.
Finalement, au lendemain de notre retour de Trinité, le technicien de CanalSat est venu réaligner notre antenne télé sur le satellite, et nous pouvons de nouveau jouir d'une image stable... et d'un tas de chaînes dont nous ne regardons en fait que quelques-unes. Au moins, il y a les nouvelles internationales (LCI, EuroNews, TV5) qui nous manquaient.
Un peu plus tard, les anciens voisins de l'Escampette sont venus faire un tour, pour faire visiter leur bateau (à vendre) à des acheteurs potentiels. À notre grand plaisir, ils ont amené les enfants, à qui nous avons donné les cadeaux rapportés pour eux de la croisière dans la Baltique: une "matriochka", collection de poupes emboîtées, pour Lila, et "Magnus le Viking" pour Nino, un livre d'images norvégien fort bien fait racontant l'amitié entre le premier petit Viking installé à Terre-Neuve et un enfant autochtone. Tous deux sont venus passer une bonne heure à bord, à regarder la télé (il n'y en a pas chez eux au Diamant) et à jouer des jeux d'ordinateur.
Le lendemain matin, est arrivé un émissaire d'une Française de Guadeloupe qui veut louer le Bum pour la période de Noël. Il a examiné le cata sous toutes ses coutures. Son rapport a dû être favorable, car dès le lendemain sa patronne (elle dirige les activités d'une grosse société pharmaceutique dans la zone Caraïbes) nous a appelés pour confirmer la réservation, d'abord de vive voix, ensuite par écrit. Un peu plus tard s'est pointé un couple qui a commencé par parler de location, puis a fini par demander à Marie-José si nous leur vendrions le bateau. Pas question, du moins pour l'avenir prévisible.
En fin de semaine, Gérard est disparu pour quatre ou cinq jours, il devait aller à Saint-Vincent régler des affaires personnelles. Bien entendu, dès le lendemain de son départ, de petits problèmes techniques ont commencé à surgir. Il y a eu d'abord la drisse de grand-voile qui s'est mise à battre le tambour sur le grand-mat, faisant à l'intérieur du carré un bruit infernal. En souquant ici et larguant par là sur les diverses manoeuvres, j'ai réussi à la tendre pour qu'elle se calme. Moins évidente est la solution à une pompe automatique de cale qui a commencé à faire du vacarme juste sous notre cabine, difficulté que nous avons d'abord résolue en la soulevant hors de l'eau. Mais deux jours plus tard, comme l'eau montait dans le fond de la coque suite à des pluies diluviennes, nous l'avons replongée dans la flotte... où elle a résolument refusé de pomper. Un autre achat probable à ajouter à la lampe de mat qui nous est tombée sur la tête la semaine dernière.
Mardi, nous sommes allés passer la journée à Fort-de-France-en-ville, où nous avions à peine mis les pieds depuis plusieurs années, malgré plusieurs séjours en Martinique. Nous avons flâné autour du marché central, fait du lèche-vitrine dans les bazars des traditionnels marchands syriens et chinois du quartier, acheté des noix et des bonbons aux vendeuses sur le trottoir de la rue Antoine-Siger, pris un jus au Bar de l'Impératrice face à la Place de la Savane (en grands travaux, suite notamment aux ravages perpétrés par l'Ouragan Dean) et mangé dans un repaire de marins bretons le long de la Jetée, en face de la gare des taxis-pays. La ville a beaucoup évolué, sous l'impusion du nouveau maire Serge Letchimy, urbaniste et successeur d'Aimé Césaire. Mais par-ci, par-là, au détour d'une rue, nous découvrons tout-à-coup un paysage urbain typique du vieux Fort-de-France que nous avions connu dans les années 1960, avec ses petites bicoques en bois de couleurs vives et ses magasins étroits mais chaleureux (photo).
La journée a cependant été assombrie quand nous avons appris, à la Pharmacie de l'Impératrice, le décès l'an dernier de notre ancien copain (et joyeux compagnon de virées) Berly Glaudon. Nous avions pourtant eu de bonnes nouvelles de lui en janvier 2006, et nous nous étions alors promis d'aller lui rendre visite aux Trois-Îlets à notre prochain passage. Hé bien, c'est raté pour de bon.
Pour ne pas changer de sujet, aujourd'hui, jour de la Toussaint, est la "fête des morts" pour les Martiniquais, qui font alors la tournée des cimetières pour saluer leurs disparus et couvrir leurs tombes, des croix les plus modestes piquées sur un tas de sable (photo) jusqu'aux caveaux tuilés les plus grandiloquents, de fleurs et de lampions. Comme c'est la première fois depuis nombre d'années qu'Azur est ici à cette date, elle a décidé de sacrifier à la tradition.
Nous sommes donc partis ce matin avec Gérard (revenu hier soir) pour passer d'abord à Sainte-Anne, où nous avons retrouvé sans trop de difficulté le tombeau du papa de Marie-José, René Manuel. Le cimetière était assez achalandé, mais plutôt calme. Même chose une heure plus tard au Diamant, devant le caveau (fermé et cadenassé) de la grand-mère.
C'est finalement à Rivière-Pilote, où est enterrée la belle-mère Yaya Lagrandcourt, que j'ai compris le sens réel de l'expression "Fête des Morts". De chaque côté de l'entrée du cimetière s'étalaient, dans une atmosphère de kermesse villageoise, une demi-douzaine de boutiques vendant qui des fleurs naturelles ou artificielles, qui des lampions, qui même des eaux gazeuses, des noix ou des bonbons.
À l'intérieur, on avait dressé une sorte de pavillon ouvert où une équipe en T-shirts aux armes de la commune accueillait et dirigeait les visiteurs. Malgré une série d'averses diluviennes, ceux-ci circulaient entre les tombeaux (souvent de grande taille et abondamment décorés) en causant à haute voix et échangeant des salutations et des souvenirs -- qui donnaient parfois lieu à de bruyants éclats de rire -- avec des parents ou des connaissances croisés au hasard des allées. Le tout se terminant, aussi souvent qu'autrement, au bistrot en face qui faisait clairement des affaires d'or. Les morts, en Martinique, ne risquent vraiment pas de s'ennuyer!
Je dis village? Plus nous partageons la vie de la marina, plus elle nous fait penser en effet à un petit village, mais d'une espèce bien particulière.
D'abord, la population est très fluctuante: tous les jours ou presque, des voisins s'en vont et d'autres viennent prendre leur place, que ce soit sur notre rue (ponton), soit dans le proche voisinage. Parfois, cela se fait au compte-gouttes, parfois par de véritables migrations, comme c'est le cas ces jours-ci.
De plus, dans un village traditionnel, lorsqu'une famille s'en va, du moins sa maison reste là. Dans une marina, chaque famille disparaît (ou arrive) avec sa "maison", qui peut être bien différente de celle qui la suit ou la précède. Et il arrive fréquemment que l'espace ainsi libéré n'est pas rempli immédiatement, mais demeure vacant plusieurs jours, voire des semaines.
Enfin, presque tout ce qui se passe chez quelqu'un a lieu au vu et au su de tous les voisins, depuis la douche matinale jusqu'à la lessive et aux petits travaux (devoirs des enfants, lavage de vaisselle, réparations...). Comme la surface habitable des bateaux est généralement exiguë, beaucoup d'activités qui, dans une maison, auraient lieu à l'intérieur déménagent sur le pont ou même sur le ponton voisin.
Tout cela crée un climat bien particulier d'intimité forcée, où la tolérance et l'esprit d'entr'aide doivent compenser pour l'espace restreint, souvent aléatoire, qui reste à la vie privée. À la fin du compte, on s'y fait assez bien... après quelques ajustements pas toujours évidents.
Finalement, au lendemain de notre retour de Trinité, le technicien de CanalSat est venu réaligner notre antenne télé sur le satellite, et nous pouvons de nouveau jouir d'une image stable... et d'un tas de chaînes dont nous ne regardons en fait que quelques-unes. Au moins, il y a les nouvelles internationales (LCI, EuroNews, TV5) qui nous manquaient.
Un peu plus tard, les anciens voisins de l'Escampette sont venus faire un tour, pour faire visiter leur bateau (à vendre) à des acheteurs potentiels. À notre grand plaisir, ils ont amené les enfants, à qui nous avons donné les cadeaux rapportés pour eux de la croisière dans la Baltique: une "matriochka", collection de poupes emboîtées, pour Lila, et "Magnus le Viking" pour Nino, un livre d'images norvégien fort bien fait racontant l'amitié entre le premier petit Viking installé à Terre-Neuve et un enfant autochtone. Tous deux sont venus passer une bonne heure à bord, à regarder la télé (il n'y en a pas chez eux au Diamant) et à jouer des jeux d'ordinateur.
Le lendemain matin, est arrivé un émissaire d'une Française de Guadeloupe qui veut louer le Bum pour la période de Noël. Il a examiné le cata sous toutes ses coutures. Son rapport a dû être favorable, car dès le lendemain sa patronne (elle dirige les activités d'une grosse société pharmaceutique dans la zone Caraïbes) nous a appelés pour confirmer la réservation, d'abord de vive voix, ensuite par écrit. Un peu plus tard s'est pointé un couple qui a commencé par parler de location, puis a fini par demander à Marie-José si nous leur vendrions le bateau. Pas question, du moins pour l'avenir prévisible.
En fin de semaine, Gérard est disparu pour quatre ou cinq jours, il devait aller à Saint-Vincent régler des affaires personnelles. Bien entendu, dès le lendemain de son départ, de petits problèmes techniques ont commencé à surgir. Il y a eu d'abord la drisse de grand-voile qui s'est mise à battre le tambour sur le grand-mat, faisant à l'intérieur du carré un bruit infernal. En souquant ici et larguant par là sur les diverses manoeuvres, j'ai réussi à la tendre pour qu'elle se calme. Moins évidente est la solution à une pompe automatique de cale qui a commencé à faire du vacarme juste sous notre cabine, difficulté que nous avons d'abord résolue en la soulevant hors de l'eau. Mais deux jours plus tard, comme l'eau montait dans le fond de la coque suite à des pluies diluviennes, nous l'avons replongée dans la flotte... où elle a résolument refusé de pomper. Un autre achat probable à ajouter à la lampe de mat qui nous est tombée sur la tête la semaine dernière.
Mardi, nous sommes allés passer la journée à Fort-de-France-en-ville, où nous avions à peine mis les pieds depuis plusieurs années, malgré plusieurs séjours en Martinique. Nous avons flâné autour du marché central, fait du lèche-vitrine dans les bazars des traditionnels marchands syriens et chinois du quartier, acheté des noix et des bonbons aux vendeuses sur le trottoir de la rue Antoine-Siger, pris un jus au Bar de l'Impératrice face à la Place de la Savane (en grands travaux, suite notamment aux ravages perpétrés par l'Ouragan Dean) et mangé dans un repaire de marins bretons le long de la Jetée, en face de la gare des taxis-pays. La ville a beaucoup évolué, sous l'impusion du nouveau maire Serge Letchimy, urbaniste et successeur d'Aimé Césaire. Mais par-ci, par-là, au détour d'une rue, nous découvrons tout-à-coup un paysage urbain typique du vieux Fort-de-France que nous avions connu dans les années 1960, avec ses petites bicoques en bois de couleurs vives et ses magasins étroits mais chaleureux (photo).
La journée a cependant été assombrie quand nous avons appris, à la Pharmacie de l'Impératrice, le décès l'an dernier de notre ancien copain (et joyeux compagnon de virées) Berly Glaudon. Nous avions pourtant eu de bonnes nouvelles de lui en janvier 2006, et nous nous étions alors promis d'aller lui rendre visite aux Trois-Îlets à notre prochain passage. Hé bien, c'est raté pour de bon.
Pour ne pas changer de sujet, aujourd'hui, jour de la Toussaint, est la "fête des morts" pour les Martiniquais, qui font alors la tournée des cimetières pour saluer leurs disparus et couvrir leurs tombes, des croix les plus modestes piquées sur un tas de sable (photo) jusqu'aux caveaux tuilés les plus grandiloquents, de fleurs et de lampions. Comme c'est la première fois depuis nombre d'années qu'Azur est ici à cette date, elle a décidé de sacrifier à la tradition.
Nous sommes donc partis ce matin avec Gérard (revenu hier soir) pour passer d'abord à Sainte-Anne, où nous avons retrouvé sans trop de difficulté le tombeau du papa de Marie-José, René Manuel. Le cimetière était assez achalandé, mais plutôt calme. Même chose une heure plus tard au Diamant, devant le caveau (fermé et cadenassé) de la grand-mère.
C'est finalement à Rivière-Pilote, où est enterrée la belle-mère Yaya Lagrandcourt, que j'ai compris le sens réel de l'expression "Fête des Morts". De chaque côté de l'entrée du cimetière s'étalaient, dans une atmosphère de kermesse villageoise, une demi-douzaine de boutiques vendant qui des fleurs naturelles ou artificielles, qui des lampions, qui même des eaux gazeuses, des noix ou des bonbons.
À l'intérieur, on avait dressé une sorte de pavillon ouvert où une équipe en T-shirts aux armes de la commune accueillait et dirigeait les visiteurs. Malgré une série d'averses diluviennes, ceux-ci circulaient entre les tombeaux (souvent de grande taille et abondamment décorés) en causant à haute voix et échangeant des salutations et des souvenirs -- qui donnaient parfois lieu à de bruyants éclats de rire -- avec des parents ou des connaissances croisés au hasard des allées. Le tout se terminant, aussi souvent qu'autrement, au bistrot en face qui faisait clairement des affaires d'or. Les morts, en Martinique, ne risquent vraiment pas de s'ennuyer!
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