(24/10/2007) Je ne savais pas ce qu'était vraiment une "onde tropicale". Hé bien, je l'ai appris "en grande" samedi matin: après quelques coups de vent brusques au cours de la nuit, un véritable rideau sombre et impénétrable de pluie s'est abattu sur la Baie du Marin dès l'aube, et s'est maintenu avec à peine quelques fluctuations jusqu'au début de l'après-midi. Nous avons passé l'avant-midi claquemurés à bord, toutes lumières allumées, contemplant l'eau qui plongeait en cascades du toit du carré sur les deux coques où elle formait des ruisseaux continus. Le tout agrémenté de roulements de tonnerre intermittents et d'occasionnels éclairs dont on ne distinguait qu'à peine les reflets à travers le rideau dense de l'averse.
Même si nos amarres de quai sont de nylon, la détrempe les a suffisamment relâchées pour que le Bum vienne battre vigoureusement contre le ponton à maintes reprises, heureusement protégé de tout dommage par de bons pare-battages. Autour de nous, règne une immobilité de cimetière: aucun mouvement sur le ponton, pas une annexe sillonnant la rade, pas un seul bateau qui entre ou sorte dans la zone marina.
C'est seulement vers les 14 heures que la vie reprend peu à peu. Après une hésitation, nous nous aventurons sur les pontons puis sur le front de mer, où nous arrivons au Calebasse Café juste à temps pour le début de la finale du rugby. Cela en valait d'ailleurs la peine.
Au milieu d'un public bien plus restreint et moins agité que la semaine dernière (la France ne joue pas aujourd'hui), nous avons droit à un beau match, peu spectaculaire, mais intense et très propre. Pas de mauvais coups, très peu de blessures, un minimum d'erreurs, le tout débouchant sur une victoire bien méritée des sympathiques Springboks sud-africains. De quoi améliorer encore la réputation et l'audience d'un sport que nous venons de découvrir et qui mérite plus de rayonnement.
Dimanche matin, nous nous préparons de nouveau au départ. Car nous avons finalement décidé que, le temps permettant, nous nous rendrons en bateau plutôt qu'en voiture jusqu'à notre hôtel de Trinité. Nous avons trop peu navigué depuis notre retour aux Antilles, et cela nous permettra en particulier d'admirer du large une Côte Atlantique que trop peu de plaisanciers se risquent à visiter, rebutés par ses mers plus fortes et ses vents plus vifs que ceux du Versant Caraïbe.
Même si la brise est plutôt contre nous (elle fait 15-20 noeuds du nord-ouest, ce qui nous forcera à louvoyer et à faire du moteur une bonne partie du trajet aller), nous n'avons rien à regretter: la houle n'est pas trop choquante, le temps d'une clarté admirable nous permet de voir tout en détail les multiples baies, anses, falaises et ilets qui découpent la côte, tout au long des Salines, du Cap Chevalier, des Macabous, du Vauquelin, du Cap Est et du François.
C'est juste avant celui-ci que nous faisons une courte escale, à l'abri d'un minuscule archipel qui protège de la houle les féériques "fonds-blancs". Ce sont des bancs de sable éclatant de blancheur qui s'étirent sous un à deux mètres d'eau turquoise et cristalline. Le lieu, surnommé "la baignoire de Joséphine", est abondamment fréquenté, mais pas du tout massacré. La tradition veut que les békés de jadis (planteurs blancs du pays) s'y soient retrouvés les week-ends de grandes chaleurs pour y siroter un ti-punch plongés dans l'eau fraîche jusqu'à la taille ou aux épaules. Une coutume à laquelle un groupe mélangé de Martiniquais et de touristes sacrifie aujourd'hui près de nous avec un plaisir évident.
Nous faisons un agréable plongeon, hélas dérangé par des maniaques du scooter-des-mers qui zigzaguent à toute vitesse et à grand bruit entre les embarcations mouillées autour desquelles se prélassent bon nombre de baigneurs, y compris des enfants. Pas très brillant. Nous nous consolons du bain écourté en dégustant une savoureuse et nourrissante tartiflette maison que nous a concoctée l'irremplaçable et polyvalent Gérard.
Reprenant la route, nous avons la désagréable surprise de voir (et d'entendre) chûter juste à nos pieds une lampe de hune qui semblait pourtant bien fixée. À remplacer au plus tôt, donc. En fin d'après-midi, nous contournons (à moteur, hélas, le vent nous est vraiment peu secourable) la jolie presque'île de la Caravelle, échancrée de fines anses et surmontée de promontoires audacieux. Le coucher de soleil nous trouve dans la rade pratiquement déserte de Trinité, par chance peu houleuse ce soir puisque la brise a viré à l'est. Nous mouillons sans problème en face de l'École de Pêche de la Martinique, où Gérard a plusieurs fois suivi des cours et des stages.
Aux abords du ponton, situé en plein milieu du bourg, nous attend un taxi commandé d'avance dont le chauffeur, Éric, est une surprise des plus agréables: sympathique, disert, toujours coiffé d'un élégant chapeau de paille et tiré à quatre épingles à la limite de la coquettterie, il allie une fiabilité à toute épreuve (que nous aurons l'occasion de tester au cours des prochains jours) à une remarquable érudition sur l'histoire et les caractéristiques de sa région, savoir datant d'une précédente carrière comme guide touristique. Si jamais vous avez l'intention d'explorer le centre et le nord de la Côte Atlantique, nous ne pourrions vous recommander meilleur cicerone.
Une dizaine de minutes d'une route sinueuse débouchant sur une piste à peine carrossable nous permettent de grimper jusqu'au Domaine de Saint-Aubin, perché sur la côte au-dessus du quartier Petite-Rivière-Salée, sur le chemin de Sainte-Marie. C'est une splendide maison coloniale blanche et jaune, construite en bois dans le plus pur style "béké" des années 1850-1920, entourée d'une vaste véranda, le tout couvert d'un toit à pignons de tôle rouge le long duquel courent des frises de bois découpé façon "gingerbread".
L'intérieur a été soigneusement redécoré par ses nouveaux propriétaires, des "métros" installés ici depuis trois ou quatre ans seulement, mais clairement en amour avec la Martinique et sa culture (la littérature de l'hôtel affirme qu'ils ont des ancêtres békés). Ils ont déniché un peu partout des meubles d'époque, des appliques et des chandeliers, des bibelots, des gravures et de vieilles photos, qui vous donnent presque l'impression de vous trouver les hôtes d'un planteur cultivé d'il y a deux ou trois générations.
À la maison de départ, ils sont en train d'ajouter diverses annexes (cuisines, spa, bungalows, etc.) dans le respect le plus soigneux de l'esprit de l'original et en préservant au mieux l'élégant jardin qui entoure la propriété. Leurs seuls anachronismes, que nous leur pardonnons volontiers, sont une jolie piscine couverte de mosaïques blanches, vertes et bleues, et une musique de jazz "cool" qui circule tout doucement à travers le salon, la salle à dîner et la terrasse du rez-de-chaussée.
D'abord un peu étonnés de constater que dans un établissement de cette classe, les chambres ne disposent ni d'un téléphone, ni d'une télé, ni d'un frigo-minibar, nous finissons par admettre que ces omissions cadrent bien avec le caractère "vieil hôtel de campagne" que les proprios tiennent à conserver. De toute façon il y a la clim, d'immenses fenêtres à volets mobiles, et l'accès à une large galerie extérieure qui fait le tour de l'étage et débouche sur un grand salon en plein air meublé de rotin semé de vastes coussins.
Après une première nuit réparatrice, un bon petit déj nous attend sur la terrasse du rez-de-chaussée. Le copain Éric vient nous prendre en milieu de matinée et nous amène visiter le Musée du Rhum (Saint-James) de Sainte-Marie, à la fois beau et pédagogique. Nous n'échappons pas à la tentation d'en sortir avec quelques bouteilles de "vieux" XO qui enrichiront nos divers bars. Puis c'est la grimpée par un chemin sinueux qui nous amène au vaste panorama du haut du Morne Poirier. Nous pouvons entre autres y constater que le Bum chromé nous attend toujours sagement, mouillé au centre de la Baie de Trinité.
Nous redescendons vers la presqu'île de la Caravelle et le bourg de Tartane, où nous avons décidé de "manger léger" ce midi pour nous garder l'appétit nécessaire à un repas gastronomique à l'hôtel ce soir. Vaine promesse: la découverte de deux langoustes vives et charnues dans le vivier du petit resto de bord de route "l'Oasis" nous incite à changer de programme. Sans le moindre regret: le service est charmant, la cuisson parfaite et la note très raisonnable (5 euros le 100 grammes, pour la Martinique, c'est peu). Pour le retour, Éric fait un long détour vers la pointe de la Caravelle et une colline abrupte couronnée d'antennes de transmission, d'où nous avons une vue unique aussi bien vers le Sud jusqu'au Vauclin que vers le Nord et le Lorrain. Bonnes photos.
Après une bonne sieste, nous décidons quand même de faire honneur au dîner. La "daube créole" du plat principal est bonne mais sans surprise; en revanche, l'entrée consiste en un velouté d'igname parsemé de copeaux de jambon-pays et parfumé d'un bouquet d'épices dont nous parlerons sans doute longtemps. Tout compte fait, une très belle journée d'anniversaire, embellie de plus par plusieurs appels de voeux de parents et d'amis.
Mais c'est mardi midi que vient le haut-lieu de cette fête. Après une matinée d'ondée tropicale presque aussi violente et soutenue que celle de samedi dernier, nous profitons d'une brève éclaircie pour descendre par Gros-Morne vers Saint-Joseph, où se trouve ce qu'on nous a présenté (avec raison) comme l'un des meilleurs, sinon le meilleur restaurant de la Martinique actuellement. Le patron Jean-Charles Brédas et sa femme nous reçoivent dans un décor qui fait irrésistiblement penser à une version tropicale du Jardin des Sens: un pavillon ouvert, décoré de légères tentures de style indien, planté au milieu d'un luxuriant jardin tropical.
Nous n'avons même pas droit au menu: Brédas, un élève de Roland Durand du Passiflore à Paris, nous a préparé sans demander notre avis une carte à sa façon dont nous ne pouvons que nous féliciter: amuse-gueules créoles, foie gras poêlé aux bananes jaunes (wow! et re-wow!), magret de canard au poivre et aux fruits tropicaux accompagné d'une mousseline de légumes-pays, etc. Une seule erreur (de notre part): nous buvons là-dessus un très bon champagne brut rosé Clos des Demoiselles qui s'accorde très correctement au repas, mais fort mal à la digestion d'Azur, qui va en subir les conséquences une partie de la nuit prochaine.
Pour lui laisser une chance de mieux dormir, je passe une partie de la nuit sur une chaise-longue de la véranda devant notre chambre, ce qui me permet d'assister à un fabuleux spectacle de la nature. À demi éclairé par un premier quartier de lune, le ciel est traversé de nuages parfois blancs et transparents, parfois sombres et opaques. Ceux-ci traînent sous eux, comme des capes de mousquetaires, des rideaux clairs de pluie qui balaient la surface gris fer de la mer entre une île au large et la côte à mes pieds. De temps à autre, un éclair violacé découpe méticuleusement les nuages en surfaces planes mauves et grises à la manière d'une estampe japonaise. Le tout derrière les feux d'artifice noirs des hauts cocotiers qui bordent le jardin de l'hôtel, et dans un fond sonore qui harmonise très joliment les rouleaux de la houle, le tonnerre lointain, les cris des grillons et des crapauds et les petits pas légers de la pluie sur le gazon du parc, puis sur les pignons de tôle de l'hôtel.
C'est avec un réel regret que je sors de cet enchantement et rentre dans la chambre finir ma nuit.
Mercredi matin, c'est le retour à bord. Gérard nous attend au ponton avec l'annexe, et nous prenons congé à regret de notre taxi Éric, qui me laisse en cadeau d'adieu un disque artisanal de piano-jazz sur des thèmes créoles, oeuvre du musicien local Michel Canonge.
Nous nous faisions une fête de la redescente vers le Marin, croyant que nous profiterions cette fois du même vent qui nous avant tant retardé en montant. Penses-tu! La météo a changé, c'est pratiquement le calme plat ("pétole!", dit Gérard, dégoûté) et le peu de souffle qu'il y a provient du sud-ouest, presque exactement le cap que nous devons suivre. Nous effectuons donc notre rentrée vers la marina à moteur tout le long. Heureusement la mer est paisible, et nous avons droit à une version diurne du spectacle qui m'a charmé la nuit dernière: le ciel, souvent bleu, est balayé à plusieurs reprises par des grains de nuages sombres construits tout en hauteur et traînant sous eux des écharpes de pluie grise auxquelles nous échappons presque toujours, comme par miracle.
Tout compte fait, une bien belle ballade et un anniversaire dont je me souviendrai.
Même si nos amarres de quai sont de nylon, la détrempe les a suffisamment relâchées pour que le Bum vienne battre vigoureusement contre le ponton à maintes reprises, heureusement protégé de tout dommage par de bons pare-battages. Autour de nous, règne une immobilité de cimetière: aucun mouvement sur le ponton, pas une annexe sillonnant la rade, pas un seul bateau qui entre ou sorte dans la zone marina.
C'est seulement vers les 14 heures que la vie reprend peu à peu. Après une hésitation, nous nous aventurons sur les pontons puis sur le front de mer, où nous arrivons au Calebasse Café juste à temps pour le début de la finale du rugby. Cela en valait d'ailleurs la peine.
Au milieu d'un public bien plus restreint et moins agité que la semaine dernière (la France ne joue pas aujourd'hui), nous avons droit à un beau match, peu spectaculaire, mais intense et très propre. Pas de mauvais coups, très peu de blessures, un minimum d'erreurs, le tout débouchant sur une victoire bien méritée des sympathiques Springboks sud-africains. De quoi améliorer encore la réputation et l'audience d'un sport que nous venons de découvrir et qui mérite plus de rayonnement.
Dimanche matin, nous nous préparons de nouveau au départ. Car nous avons finalement décidé que, le temps permettant, nous nous rendrons en bateau plutôt qu'en voiture jusqu'à notre hôtel de Trinité. Nous avons trop peu navigué depuis notre retour aux Antilles, et cela nous permettra en particulier d'admirer du large une Côte Atlantique que trop peu de plaisanciers se risquent à visiter, rebutés par ses mers plus fortes et ses vents plus vifs que ceux du Versant Caraïbe.
Même si la brise est plutôt contre nous (elle fait 15-20 noeuds du nord-ouest, ce qui nous forcera à louvoyer et à faire du moteur une bonne partie du trajet aller), nous n'avons rien à regretter: la houle n'est pas trop choquante, le temps d'une clarté admirable nous permet de voir tout en détail les multiples baies, anses, falaises et ilets qui découpent la côte, tout au long des Salines, du Cap Chevalier, des Macabous, du Vauquelin, du Cap Est et du François.
C'est juste avant celui-ci que nous faisons une courte escale, à l'abri d'un minuscule archipel qui protège de la houle les féériques "fonds-blancs". Ce sont des bancs de sable éclatant de blancheur qui s'étirent sous un à deux mètres d'eau turquoise et cristalline. Le lieu, surnommé "la baignoire de Joséphine", est abondamment fréquenté, mais pas du tout massacré. La tradition veut que les békés de jadis (planteurs blancs du pays) s'y soient retrouvés les week-ends de grandes chaleurs pour y siroter un ti-punch plongés dans l'eau fraîche jusqu'à la taille ou aux épaules. Une coutume à laquelle un groupe mélangé de Martiniquais et de touristes sacrifie aujourd'hui près de nous avec un plaisir évident.
Nous faisons un agréable plongeon, hélas dérangé par des maniaques du scooter-des-mers qui zigzaguent à toute vitesse et à grand bruit entre les embarcations mouillées autour desquelles se prélassent bon nombre de baigneurs, y compris des enfants. Pas très brillant. Nous nous consolons du bain écourté en dégustant une savoureuse et nourrissante tartiflette maison que nous a concoctée l'irremplaçable et polyvalent Gérard.
Reprenant la route, nous avons la désagréable surprise de voir (et d'entendre) chûter juste à nos pieds une lampe de hune qui semblait pourtant bien fixée. À remplacer au plus tôt, donc. En fin d'après-midi, nous contournons (à moteur, hélas, le vent nous est vraiment peu secourable) la jolie presque'île de la Caravelle, échancrée de fines anses et surmontée de promontoires audacieux. Le coucher de soleil nous trouve dans la rade pratiquement déserte de Trinité, par chance peu houleuse ce soir puisque la brise a viré à l'est. Nous mouillons sans problème en face de l'École de Pêche de la Martinique, où Gérard a plusieurs fois suivi des cours et des stages.
Aux abords du ponton, situé en plein milieu du bourg, nous attend un taxi commandé d'avance dont le chauffeur, Éric, est une surprise des plus agréables: sympathique, disert, toujours coiffé d'un élégant chapeau de paille et tiré à quatre épingles à la limite de la coquettterie, il allie une fiabilité à toute épreuve (que nous aurons l'occasion de tester au cours des prochains jours) à une remarquable érudition sur l'histoire et les caractéristiques de sa région, savoir datant d'une précédente carrière comme guide touristique. Si jamais vous avez l'intention d'explorer le centre et le nord de la Côte Atlantique, nous ne pourrions vous recommander meilleur cicerone.
Une dizaine de minutes d'une route sinueuse débouchant sur une piste à peine carrossable nous permettent de grimper jusqu'au Domaine de Saint-Aubin, perché sur la côte au-dessus du quartier Petite-Rivière-Salée, sur le chemin de Sainte-Marie. C'est une splendide maison coloniale blanche et jaune, construite en bois dans le plus pur style "béké" des années 1850-1920, entourée d'une vaste véranda, le tout couvert d'un toit à pignons de tôle rouge le long duquel courent des frises de bois découpé façon "gingerbread".
L'intérieur a été soigneusement redécoré par ses nouveaux propriétaires, des "métros" installés ici depuis trois ou quatre ans seulement, mais clairement en amour avec la Martinique et sa culture (la littérature de l'hôtel affirme qu'ils ont des ancêtres békés). Ils ont déniché un peu partout des meubles d'époque, des appliques et des chandeliers, des bibelots, des gravures et de vieilles photos, qui vous donnent presque l'impression de vous trouver les hôtes d'un planteur cultivé d'il y a deux ou trois générations.
À la maison de départ, ils sont en train d'ajouter diverses annexes (cuisines, spa, bungalows, etc.) dans le respect le plus soigneux de l'esprit de l'original et en préservant au mieux l'élégant jardin qui entoure la propriété. Leurs seuls anachronismes, que nous leur pardonnons volontiers, sont une jolie piscine couverte de mosaïques blanches, vertes et bleues, et une musique de jazz "cool" qui circule tout doucement à travers le salon, la salle à dîner et la terrasse du rez-de-chaussée.
D'abord un peu étonnés de constater que dans un établissement de cette classe, les chambres ne disposent ni d'un téléphone, ni d'une télé, ni d'un frigo-minibar, nous finissons par admettre que ces omissions cadrent bien avec le caractère "vieil hôtel de campagne" que les proprios tiennent à conserver. De toute façon il y a la clim, d'immenses fenêtres à volets mobiles, et l'accès à une large galerie extérieure qui fait le tour de l'étage et débouche sur un grand salon en plein air meublé de rotin semé de vastes coussins.
Après une première nuit réparatrice, un bon petit déj nous attend sur la terrasse du rez-de-chaussée. Le copain Éric vient nous prendre en milieu de matinée et nous amène visiter le Musée du Rhum (Saint-James) de Sainte-Marie, à la fois beau et pédagogique. Nous n'échappons pas à la tentation d'en sortir avec quelques bouteilles de "vieux" XO qui enrichiront nos divers bars. Puis c'est la grimpée par un chemin sinueux qui nous amène au vaste panorama du haut du Morne Poirier. Nous pouvons entre autres y constater que le Bum chromé nous attend toujours sagement, mouillé au centre de la Baie de Trinité.
Nous redescendons vers la presqu'île de la Caravelle et le bourg de Tartane, où nous avons décidé de "manger léger" ce midi pour nous garder l'appétit nécessaire à un repas gastronomique à l'hôtel ce soir. Vaine promesse: la découverte de deux langoustes vives et charnues dans le vivier du petit resto de bord de route "l'Oasis" nous incite à changer de programme. Sans le moindre regret: le service est charmant, la cuisson parfaite et la note très raisonnable (5 euros le 100 grammes, pour la Martinique, c'est peu). Pour le retour, Éric fait un long détour vers la pointe de la Caravelle et une colline abrupte couronnée d'antennes de transmission, d'où nous avons une vue unique aussi bien vers le Sud jusqu'au Vauclin que vers le Nord et le Lorrain. Bonnes photos.
Après une bonne sieste, nous décidons quand même de faire honneur au dîner. La "daube créole" du plat principal est bonne mais sans surprise; en revanche, l'entrée consiste en un velouté d'igname parsemé de copeaux de jambon-pays et parfumé d'un bouquet d'épices dont nous parlerons sans doute longtemps. Tout compte fait, une très belle journée d'anniversaire, embellie de plus par plusieurs appels de voeux de parents et d'amis.
Mais c'est mardi midi que vient le haut-lieu de cette fête. Après une matinée d'ondée tropicale presque aussi violente et soutenue que celle de samedi dernier, nous profitons d'une brève éclaircie pour descendre par Gros-Morne vers Saint-Joseph, où se trouve ce qu'on nous a présenté (avec raison) comme l'un des meilleurs, sinon le meilleur restaurant de la Martinique actuellement. Le patron Jean-Charles Brédas et sa femme nous reçoivent dans un décor qui fait irrésistiblement penser à une version tropicale du Jardin des Sens: un pavillon ouvert, décoré de légères tentures de style indien, planté au milieu d'un luxuriant jardin tropical.
Nous n'avons même pas droit au menu: Brédas, un élève de Roland Durand du Passiflore à Paris, nous a préparé sans demander notre avis une carte à sa façon dont nous ne pouvons que nous féliciter: amuse-gueules créoles, foie gras poêlé aux bananes jaunes (wow! et re-wow!), magret de canard au poivre et aux fruits tropicaux accompagné d'une mousseline de légumes-pays, etc. Une seule erreur (de notre part): nous buvons là-dessus un très bon champagne brut rosé Clos des Demoiselles qui s'accorde très correctement au repas, mais fort mal à la digestion d'Azur, qui va en subir les conséquences une partie de la nuit prochaine.
Pour lui laisser une chance de mieux dormir, je passe une partie de la nuit sur une chaise-longue de la véranda devant notre chambre, ce qui me permet d'assister à un fabuleux spectacle de la nature. À demi éclairé par un premier quartier de lune, le ciel est traversé de nuages parfois blancs et transparents, parfois sombres et opaques. Ceux-ci traînent sous eux, comme des capes de mousquetaires, des rideaux clairs de pluie qui balaient la surface gris fer de la mer entre une île au large et la côte à mes pieds. De temps à autre, un éclair violacé découpe méticuleusement les nuages en surfaces planes mauves et grises à la manière d'une estampe japonaise. Le tout derrière les feux d'artifice noirs des hauts cocotiers qui bordent le jardin de l'hôtel, et dans un fond sonore qui harmonise très joliment les rouleaux de la houle, le tonnerre lointain, les cris des grillons et des crapauds et les petits pas légers de la pluie sur le gazon du parc, puis sur les pignons de tôle de l'hôtel.
C'est avec un réel regret que je sors de cet enchantement et rentre dans la chambre finir ma nuit.
Mercredi matin, c'est le retour à bord. Gérard nous attend au ponton avec l'annexe, et nous prenons congé à regret de notre taxi Éric, qui me laisse en cadeau d'adieu un disque artisanal de piano-jazz sur des thèmes créoles, oeuvre du musicien local Michel Canonge.
Nous nous faisions une fête de la redescente vers le Marin, croyant que nous profiterions cette fois du même vent qui nous avant tant retardé en montant. Penses-tu! La météo a changé, c'est pratiquement le calme plat ("pétole!", dit Gérard, dégoûté) et le peu de souffle qu'il y a provient du sud-ouest, presque exactement le cap que nous devons suivre. Nous effectuons donc notre rentrée vers la marina à moteur tout le long. Heureusement la mer est paisible, et nous avons droit à une version diurne du spectacle qui m'a charmé la nuit dernière: le ciel, souvent bleu, est balayé à plusieurs reprises par des grains de nuages sombres construits tout en hauteur et traînant sous eux des écharpes de pluie grise auxquelles nous échappons presque toujours, comme par miracle.
Tout compte fait, une bien belle ballade et un anniversaire dont je me souviendrai.
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