Tant qu'à passer Noël dans la neige, pourquoi pas plonger à fond? C'est ce que nous nous sommes dit en réservant une chambre pour quatre jours à l'auberge campagnarde La Goéliche de l'Île d'Orléans, que mon frère Antoine nous a chaudement recommandée. La seule incertitude quant à ce programme aura été due à la température: après trois semaines de froid et de neige ininterrompus, un redoux la veille du départ transformait en pluie verglaçante ce qui aurait dû être une Xième bordée de neige. Les montagnes de neige et de glace accumulées depuis notre retour au Québec commençaient à fondre à vue d'oeil, et nous avons hésité un moment. Mais il y avait bien assez de neige pour résister aux averses et nous assurer un Noël blanc, et la météo annonçait une nouvelle vague de froid, pas trop vif heureusement.
Nous avons donc pris le train dimanche le 23 de Montréal à Québec, près de quatre heures sur VIARail assez confortables, surtout en contemplant les bourrasques de pluie et l'autoroute couverte de glace qui longe la voie ferrée. Cependant, la comparaison avec le TGV Paris-Montpellier, dont nous sommes devenus des habitués, s'imposait: ce dernier parcourt dans le même temps presque trois fois plus de chemin, avec un niveau de confort comparable -- la seule différence importante étant que VIA sert un repas complet avec apéritif et vins au siège, comme sur les avions, alors que sur le TGV il faut aller chercher un équivalent plus rudimentaire dans le bar. De la belle vieille gare du Palais de Québec, un taxi jovial et disert nous a emmenés le long de la Côte de Beaupré, puis à travers l'étroit mais si joli Pont de l'Île, jusqu'à notre auberge.
Celle-ci, reconstruite récemment à la place d'un hôtel plus que centenaire, est plantée directement sur la rive à Sainte-Pétronille, l'extrême pointe sud-ouest de l'île. Notre chambre, "l'Étoile de Mer", donne donc sur un fabuleux paysage fluvial, que nous voyons à peine pour le moment, car la nuit est déjà tombée. La cuisine étant fermée ce soir et demain, la patronne nous sert un abondant (et très bon) plateau de fromages, charcuteries et saumon fumé et un verre de rouge dans un salon particulier offrant des baies vitrées sur trois côtés, le quatrième étant occupé par un foyer allumé. Puis dodo, sur un lit king size moelleux et dans un silence total comme on n'en connaît que l'hiver à la campagne.
Au petit déjeuner, pris dans la salle à dîner du sous-sol qui est une longue galerie vitrée longeant la rive, Azur est tellement fascinée par le mouvement des glaces qu'elle hasarde à peine un mot de temps à autre. Il faut dire que le spectacle en vaut la peine: d'où nous sommes, le courant qui descend le fleuve et la marée montante se rencontrent avec violence, format des remous et des tourbillons qui charroient en directions contraires des banquises de toutes formes et de toutes tailles qui se croisent, s'entrechoquent, parfois se grimpent dessus et se fractionnent, créant un ensemble de formes fantasmagoriques. Comme des enfants contemplant les nuages, nous croyons reconnaître ici et là un paquebot, un sous-marin, une baleine, un château-fort, un village riverain, etc. Un jeu auquel nous continuerons à nous adonner tout au long du séjour.
Le restaurant étant encore fermé ce midi, nous repartons à Québec -- superbe à voir depuis l'île, comme planant au-dessus du champ de glaces -- où un chauffeur de taxi français, nouvellement immigré et installé sur l'île, nous dépose au Café du Monde, une copie modernisée mais assez réussie de grande brasserie parisienne, où je mange un excellent boudin aux pommes et Azur une bavette à l'échalotte (plus menu de brasserie que ça, tu meurs!). Le même taxi nous reprend pour nous ramener à l'auberge, d'où nous avons l'intention de partir en fin de soirée pour assister à une Messe de Minuit traditionnelle avec cantiques et tout le tralala, suivie d'un réveillon à la québécoise. Mais l'âge se fait sentir et la chair est frileuse: voyant que la seule messe disponible se déroule à Saint-François, le dernier village à l'autre bout de l'île, et que la neige a repris en rafales, nous manquons de courage et demeurons à La Goéliche en mode cocooning au lieu d'affronter une heure de route rurale dans la nuit d'hiver. Bah.
Nous nous reprenons le soir de Noël (au moins pour le réveillon) en prenant au restaurant de l'auberge un délicieux souper dont une pièce de cerf forme le plat de résistance. Le lendemain mercredi est consacré en partie aux téléphones et aux courriels de voeux aux amis et parents égaillés aux quatre coins de la planète, en partie à une balade à pied sur les chemins de l'île, jusqu'à la petite église du village, par un soleil splendide malgré le froid sec et piquant. Et c'est pleins de plaisir et de sérénité que nous repartons pour Montréal le lendemain midi.
05 janvier 2008
27 décembre 2007
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