11 février 2014

Gourmandises australes

Commençons par la fin. Pourquoi pas?
Comme nous n'avions pas faim ce midi, Azur pour avoir trop dormi, moi veillé trop tard hier avec entre autres (comme disait ce bon vivant de Willy Lamothe) les copains Rémy et Martin, nous nous sommes contentés elle d'une mini-salade au poulet fumé, moi d'une soupe «hot'N sour» à la széchouanaise. Si bien que vers les sept heures du soir nos estomacs ont commencé à nous signaler que «Euh, hé, ben, bon...»
L'ennui est que cette soirée sur le Sojourn est sous le signe du «formal» all-dressed. En rentrant de la piscine, nous ne croisons que tuxedos et robes du soir... Et on n'a pas trop envie de se «crêter» pour sortir souper. Pa ni pwoblèm, on appelle le «room service», généralement impeccable — et gratuit comme tout le reste.
Or, il paraît que le menu aussi s'est mis en tenue de soirée pour l'occasion. Le résultat est qu'à huit heures, juste comme le soleil descend tout rouge sur le Détroit de Tasmanie, le garçon installe sur notre table de terrasse, garnie d'une jolie nappe blanche (a) un seau à glace avec bouteille de champagne, (b) une cuillerée de caviar ossète sur blinis et salade russe à l'oeuf dur pour madame, une tranchette de foie gras juste grillé avec gelée de mangue sur gaufre chaude pour monsieur, (c) deux queues de langouste néo-zélandaise grillées, sauce newburg, sur risotto au citron truffé avec petites asperges vertes et (d) un «thé gourmand» (crème brûlée, mousse au chocolat noir et tiramisu) et un cheesecake aux fraises fraîches. «Tu penses pas qu'on a fumé un trop gros joint?», demande Azur.
Vous me direz que ça vaut pas un «spécial famille» de St-Hubert BBQ, mais bon. Quand on est loin de la maison (aux antipodes même), on fait comme on peut, non? Ne reste qu'à essayer de digérer tout ça.
En fin de semaine dernière, nous avons fait une autre belle découverte: Sydney. Moins surprenante qu'Auckland, mais seulement parce que nos attentes étaient plus grandes.
Après une dernière escale néo-zélandaise (Nelson Tasman, sur l'Île du Sud) sans histoire, nous nous sommes fait secouer assez sérieusement pendant les trois jours de la remontée vers l'Australie. Coups de vent, temps gris, averses. Ça a fini par se calmer la dernière nuit, comme nous approchions des côtes.
Avant le lever du soleil, je me suis retrouvé avec une soixantaine d'autres lève-tôt sur la terrasse du bar-observatoire du 10e, pour assister à notre entrée dans ce qui se vante (non sans raison) d'être «le plus beau port du monde». Ça commence par un joli collier de lumières qui s'étale des deux côtés de la baie et se reflète dans une eau presque parfaitement calme.
Puis le ciel s'éclaire et détache en silhouettes les forêts de gratte-ciel qui bordent les deux rives. Passé la pointe ronde qui défend l'embouchure du port proprement dit, apparaît une des deux structures-signatures de la métropole australe, le Harbour Bridge, familièrement appelé «le cintre» (Coathanger) pour sa forme particulière.
Le Sojourn vire lentement à babord vers son quai d'amarrage et c'est l'icône absolue: les admirables courbes du toit du Sydney Opera House sur fond de soleil levant. Depuis cinquante ans que j'en rêvais, mes attentes étaient pourtant immenses... mais elles ne pouvaient pas être déçues.
Il faut dire que l'Opera de Sydney a été conçu juste au moment où je terminais mon collège... et en compagnie d'une autre icône, millénaire celle-là (la mezquita-cathédrale de Cordoue), il a joué un rôle majeur dans ma décision initiale de devenir architecte. J'ai eu beau dévier vers le journalisme en cours de route, ces deux structures, la forêt de colonnes mozarabes et l'emballement de voiles blanches de céramique, ont gardé une place toute spéciale dans mon coeur. Elles plaçaient une sorte de barre très haute à ce que l'esprit humain pouvait réaliser de plus beau. Et contrairement à tant d'autres rêves de jeunesse, les voir de mes yeux — nous sommes allés à Cordoue en 2006 — n'aura rien changé à ma perception.
Après cette magistrale entrée en matière, les deux jours de l'escale à Sydney ne pouvaient être qu'un plaisir... que par bonheur, Azur a pleinement partagé puisque c'était la première fois depuis son accident d'avant Tahiti qu'elle retrouvait assez d'autonomie pour en profiter.
Je ne vous raconterai pas la ville en détail, même si nous l'avons bien parcourue, avec un excellent guide francophone le premier jour, par nos propres moyens le second. Suffit de dire que pour une métropole de quatre millions et demi d'habitants qui s'étire et se répand sur 1500 km carrés, de combiner la trépidation d'une prospérité clairement en plein boum avec le civisme et la convivialité partout en évidence est un remarquable exploit. Les gens de Sydney sont gais, en forme, hospitaliers. Ils aiment travailler, c'est visible (tout ici tourne comme sur des roulettes), mais aussi bien manger, faire la fête, faire du sport, pique-niquer. Pourtant, pas un papier ni un mégot qui traîne dans les rues, dans les nombreux parcs, sur les jolies plages qui se découvrent abondamment peuplées même au coeur des quartiers d'affaires... 
Le week-end, des rues entières du centre-ville sont bloquées pour faire place à de sympathiques marchés artisanaux, et dans les parcs, des barbecues au gaz (gratuits) sont à la disposition des familles... qui en prennent un soin jaloux! Des complexes nouveaux aux formes audacieuses surgissent dans tous les coins... en même temps qu'on restaure avec amour les moindres bicoques (pas très) anciennes.
Quant à l'Opéra — je ne puis m'empêcher d'y revenir —, il n'a pas pris une ride en bientôt cinquante ans, au contraire: on est en train de restituer le plus méticuleusement possible le concept initial de Joern Utzon, dont on avait un peu dévié. Et ce n'est pas qu'un monument: la colonne qui affiche la liste des concerts, spectacles et évènements à venir est à faire rêver.
Un bémol à ce plaisir, nous perdons ici un bon tiers de nos compagnons de route, qui ne s'étaient embarqués que pour le premier mois du périple. Dont plusieurs qui étaient en voie de devenir des amis. On verra si, parmi les nouveaux-venus qui les remplacent...
Un effet secondaire de ce changement, Sydney marque la fin des ateliers de peinture animés par la gentille et compétente Julie, qui retourne au Kentucky gérer sa galerie d'art. Et donc le démembrement de l'espèce de colonie artistique flottante qui s'était formée autour d'elle. L'exposition de nos «oeuvres» (dont plusieurs assez étonnantes) le dernier jour au Seabourn Square a donné lieu a des adieux parfois émouvants...


1 commentaire:

Unknown a dit...

Tu nous fait joliement voyager l'ami !!!!quel beau voyage de rêve ! Si les yeux sont éblouis les papilles n'en sont pas moins heureuses !! Merci !!et quelques photos de vous dans ce 6 étoiles où Azur doit se régaler !!bisesà vous 2 .