28 février 2014

Adieu, les autruches!

Cette fois, elles n'étaient pas dans un parc zoologique manicuré, mais bien dans leur environnement naturel... et c'est nous qui étions le spectacle. Du bord de la route écrasée de soleil qui nous menait d'Exmouth à l'embarcadère vers le récif coralien de Ningaloo, trois belles grandes autruches tendaient le cou pour voir passer notre minibus.
Et quelques kilomètres plus loin, une poignée de kangourous, de grands fauves et de petits gris, ne prenaient même pas la peine de lever le nez pour nous regarder, occupés qu'ils étaient à s'abreuver dans un lunaire étang turquoise tout en demeurant à l'ombre de quelques buissons aux feuilles gris-vert particulièrement costaudes.
Le village perdu d'Exmouth, à l'extrême coin nord-ouest du continent, aura été hier notre dernier point de chûte en Australie, et certainement un des plus authentiques, sinon des plus spectaculaires. Car, comme nous en a honnêtement prévenu dès le départ la sympathique mais un peu brusque Vicky, notre chauffeure, «d'ici au bateau vous pourrez vous reposer, car il n'y aura à voir qu'un grand bout de rien-du-tout»!
C'était sans doute la meilleure façon de nous préparer au premier véritable passage dans ce qui constitue les trois-quarts du territoire national, le désert, l’«outback» chauffé à blanc, peint de rouge, de jaune rouillé et de vert poussière. Pendant plus d'une heure au total, nous avons roulé à fond de train sur une étroite route d'un gris miroitant, entre les dunes blanches verdies de noir du côté mer et les terres ocre embroussaillées d'olive luisant du côté des collines lointaines, sous un ciel lourd d'outremer profond. Avec ici et là des espèces de Bouddhas assis faits de terre sang-de-boeuf qui sont, en fait, des fourmilières gigantesques. Monotone et poignant.
Alek, la petite trentaine châtaine et barbue, nu-pieds en T-shirt et short bleu denim, nous attendait sur le quai à l'autre bout, à la proue de son Reefviewer qu'il nous présentait avec une fierté justifiėe. Un grand bac en aluminium accueillant une vingtaine de passagers autour d'un fond plat de verre lumineux. Sous un toit indispensable, vu la force du soleil.
«Ma passion, c'est le récif et sa vie marine, a-t'il expliqué dès l'embarquement. Moi et ma copine, on en vit assez bien, mais tout ce qu'on gagne en trop va à des organismes de protection de la faune avec lesquels nous sommes en contact direct et constant.» À force de l'écouter, nous avons fini par le croire...
Pendant une heure et demie, il nous a promenés d'une plaque de rocher à l'autre du long récif de corail dont les sommets glissaient à quelques centimètres à peine sous le fond du bateau. À chaque étape, il pouvait nous détailler avec humour et précision les multiples et multicolores variétés de polypes que nous «survolions», leur âge (depuis «ça, c'est éclos l'an dernier» jusqu'à «ce massif date de 800 ans environ»), ainsi que leurs habitants: poissons de toutes couleurs et de toutes formes, crabes, anémones de mer, étoiles de mer — dont une immense jaune et bleue suspendue à la verticale d'un surplomb, etc.
Même s'il n'y avait pas de quoi pousser de grandes exclamations, nous en sommes revenus plus que satisfaits, presque comblés. Après l'ennuyeuse déception de l'escale précédente à Geralton l'avant-veille, la simple authenticité de l'expérience faisait tout un contraste. À défaut de la Grande Barrière de Corail, nous en aurons au moins eu la Petite Haie!
Fremantle-Perth, il y a quatre jours, avait aussi été une surprise agréable, notre dernier contact avec deux volets contrastants de l'Australie urbaine. Fremantle, petite, vieillote et toute tournée vers la mer, dégageait une personnalité particulière bien loin du morne style «ranch» contemporain de sa quasi-voisine Bunbury. Un centre-ville presque bicentenaire, en grande partie construit en pierre et en brique par des bagnards pour servir de siège à un gouvernement régional militaire, et des excroissances résidentielles en bois peint au charme un peu désuet, le long d'une côte de dunes aux plages féériques.
Perth, grande ville plus à l'intérieur, lui offre un contraste saisissant de modernité dynamique tout en conservant une taille et un caractère humains, avec ses parcs foisonnants (dont un formidable jardin botanique), ses espaces verts et ses mails. Il faut dire que nous avons sans doute été favorablement influencés par la faconde jubilatoire de notre guide, une dame grisonnante et rondelette avec un remarquable talent de conteuse.
Et voilà pour l'Australie que bien sincèrement, nous ne sommes pas trop fâchés de délaisser. Une grosse dizaine d'escales en trois semaines, dont près de la moitié n'en valaient pas la peine... alors que nous ne verrons rien du Japon ni de la Corée, de la Chine que Hong Kong et Macao, de l'immense Inde que trois villes.
Ce matin, nous nous sommes de nouveaux réveillés en pleine mer, face à deux jours complets de navigation qui vont nous déposer dimanche à notre porte d'entrée sur l'Asie, Bali.

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