19 janvier 2017

Nostalgie anticipée

Ayant suivi pendant un bon demi-siècle la politique américaine, deux choses me surprennent sur la fin de règne de Barack Obama.
La première est l'espèce de «nostalgie anticipée» inédite et pratiquement unanime qui marque, dans la population et encore plus dans les médias, les derniers jours du Président et de sa famille à la Maison Blanche. Je ne me rappelle pas avoir jamais constaté un sentiment comparable, même au départ de leaders très populaires comme Eisenhower, Reagan ou Bill Clinton. C'est comme si ses adversaires eux-mêmes admettaient que ce qui va suivre leur fera inévitablement regretter cette période. Et c'est d'autant plus frappant que le parti d'Obama a subi, il y a à peine deux mois, une défaite majeure, battu aussi bien dans l'élection à la Présidence que dans les deux Chambres du Congrès et dans la plupart des scrutins pour les gouverneurs et les législatures des États.
La deuxième chose est que plus les Républicains vainqueurs se préparent avec une jouissance indécente à démolir pièce par pièce l'héritage du Président sortant, plus la popularité de celui-ci continue de  croître chez les citoyens, comme s'il existait un processus paradoxal de vases communicants entre les deux phénomènes.
L'explication que j'en donne est un peu compliquée. Je crois que l'électorat US s'est trouvé en novembre aux prises avec un double dilemme. D'une part, il avait le choix entre deux partis dont aucun ne répondait à ses besoins: les Démocrates dominés par un establishment prétentieux qui non seulement refusait d'entendre sa clientèle, mais la méprisait et prenait contre elle le parti de Wall Street et de la haute finance, les Républicains phagocytés par des mouvances d'extrême droite (droite religieuse, Tea Party, NRA) et vérolé d'influences de lobbies d'affaires rapaces. D'autre part, on lui offrait deux candidats peu ragoûtants, à gauche une représentante de la vieille garde aux alliances suspectes, à droite un populiste colérique aux idées imprécises avec de forts relents de racisme et de sexisme. Ajoutez à cela la propagande russe (maintenant bien avérée) qui venait fausser le jeu, le citoyen moyen ne savait plus à quel saint se vouer — d'ailleurs le faible taux de participation le montre — et il a fait de mauvais choix, ce qui arrive souvent dans ce genre de situation (je pense aux derniers scrutins en France ou au Canada). La popularité croissante du Président sortant marque donc aussi bien le rejet des orientations prises par les deux grands partis que le désir de revenir à un moment (2008) où les choix proposés étaient plus appétissants: aussi bien Obama que McCain, malgré leurs défauts, étaient d'une autre classe que Clinton et Trump.

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