16 mai 2020

Envies nostalgiques

Je regarde et écoute à la télé mes confrères et successeurs à RDI, LCN, France 24, FranceInfo, CNN, MSNBC et même, à la limite, FOXnews, et je ressens exactement le genre de passion incrédule que j'ai vécue comme eux à quelques reprises. Ce que nous traversons est une étape unique dans l'histoire, et le fait d'être au coeur même de ce qui s'y passe comme journaliste est un sentiment quasi indescriptible.
Je me revois reporter presque débutant à Radio-Canada en novembre 1963, quand avec mon défunt ami et collègue Jean-Claude Devirieux, nous avons assumé pendant près de trois semaines la couverture principale de l'assassinat de John F. Kennedy et de ses séquelles, puis en parallèle, l'écrasement d'un DC-3 d'Air Canada à Sainte-Thérèse. Des périodes de trois et quatre jours sans sommeil, à peine de nourriture, portés par de fabuleuses poussées d'adrénaline à travers un incessant tourbillon d'incidents, de paroles, d'images.
Onze ans plus tard, en avril 1974, j'ai débarqué à Washington après quelques jours d'une épuisante cavalcade de Paris par Barcelone et Montréal, pour vivre six mois de l'invraisemblable aventure des enquêtes et batailles juridiques et politiques du Watergate, de la démission du Président Nixon et de l'accession au pouvoir de Gerald Ford. Heureusement que Marie-José (avec nos deux chats Angkor et Croquemort) est venue me rejoindre dans une suite d'hôtel non loin de la Maison blanche, sinon j'oubliais probablement de manger et dormir des semaines durant!
Et l'année suivante, suivant un appel confidentiel d'un ami diplomate espagnol, je m'installais dans un hôtel près du Prado de Madrid juste à temps pour être témoin en première ligne de la fin du franquisme et d'une des plus durables et féroces dictatures du 20e siècle, parcourant avec un mélange d'inquiétude justifiée et d'audace naïve les dédales d'une périlleuse transition vers la démocratie, d'un chaud septembre castillan à un novembre pluvieux et frisquet.
Je n'aurais certainement plus l'énergie et la résistance de faire face aux tensions et de suivre le rythme frénétique que les évènements du genre imposent à notre métier, mais ça ne m'empêche pas d'envier ceux qui les vivent... et de regretter de me retrouver confiné devant l'écran, simple spectateur et victime potentielle.

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