(11/08/2007) Nous avons presque deux jours pour nous installer à bord du Seabourn Pride et nous réacclimater à la vie de croisière. Un temps grisâtre s'associe avec une longue et plutôt monotone traversée vers le sud-ouest de la côte norvégienne pour nous imposer un niveau important d'inactivité.
Le navire est rempli à presque capacité, soit environ 200 passagers, surtout des Américains. Les seuls autres francophones sont une bande de Belges fort sympathiques, mais qui ont tendance à se tenir en groupe (normal, ils avaient organisé leur croisière ensemble) et qui, de toute façon, nous fausseront compagnie dans huit jours. Un seul passager que nous connaissions déjà, un jovial Japonais accro des croisières, Jimmy Yoshino, dont l'anglais est presque aussi mauvais et le sourire aussi communicatif que ceux d'Azur.
Comme d'habitude, l'équipage et le personnel sont un mélange de nationalités, surtout européens (le capitaine est un British, Marc Dexter) et asiatiques, mais ceux qui parlent français sont moins nombreux que la fois précédente. De manière générale, l'atmosphère est beaucoup plus « américaine » que lors de notre voyage précédent sur la même ligne: on sent que les nouveaux propriétaires yankees (la ligne était norvégienne au départ) imposent leur personnalité et leur façon de voir les choses. Cela se manifeste aussi bien dans la cuisine que dans les spectacles et les relations personnel-passagers. Heureusement, Azur retrouve Crina, une copine roumaine polyglotte qui a pris du galon, passant de préposée à la réception à responsable du booking des excursions et futures croisières.
Malgré trois premiers jours de mauvais temps, le voyage lui-même est un enchantement. On a beau avoir entendu parler à satiété des fjords de Norvège et en avoir vu de multiples images, la réalité vous prend aux tripes. Surtout que la taille modeste de notre navire lui permet de se faufiler jusqu'au fond des criques les plus enfoncées et les plus spectaculaires, frôlant des parois de rocs abrupts parfois à près de 200 km à l'intérieur des terres. La première escale, à Ulvik et Eidfjord (Hardangerfjord), nous coupe littéralement le souffle par son mélange de grandiose sauvagerie et de délicieuses fermes verdoyantes improbablement coincées entre des promontoires de mille mètres d'où dégringolent des cascades cerclées d'arcs-en-ciel. Une excursion sur le haut plateau du Hardangervidda nous permet de contempler notre premier glacier, qui se mire dans un lac aux eaux de cristal.
Bergen, deuxième ville de Norvège et ancien port hanséatique, est quasi invisible derrière un rideau de brume cotonneuse qui ne se lèvera qu'en fin de journée. Elle nous laisse quand même deux bons souvenirs: un très sympathique marché aux poissons et aux aliments divers, à deux pas du port, dont nous ramènerons un saucisson de viande de renne, et un pélerinage doublé d'un mini-concert à la résidence-musée du compositeur Edvard Grieg (un de mes favoris, auteur des suites Peer Gynt et du Concerto en la), résidence qui ne ressemble à rien tant qu'à la charmante et vieillotte maison victorienne de la « tante Puce » dans le Trois-Pistoles de mon enfance.
Rien de spécial à dire de notre escale la plus septentrionale, Alesund, jolie petite ville coquettement lovée autour de son port de pêche. Par contre, le minuscule village de Flam, au fond du Sognefjord, est justement célèbre par son chemin de fer, une prouesse technique du début du 20e siècle qui grimpe en un peu plus d'une heure à quelque 850 mètre d'altitude, grâce à une série de rampes et de tunnels qui débouchent sans avertissement vers des paysages grandioses.
Oslo, enfin, nous impressionne par son musée des drakkars vikings: il en possède trois, dont deux en excellent état car ils avaient été enterrés dans la glaise il y a plus de 1100 ans, pour servir de sépulture à leurs capitaines sans doute. Comme nous l'explique un guide, « la tradition de placer les corps des vikings dans leur bateau et d'y mettre le feu en les lançant au large est une pure invention de Kirk Douglas, pour qui la réalité historique ne faisait sans doute pas assez spectaculaire en technicolor sur grand écran... »
Autre attrait de la ville, moins connu mais tout aussi étonnant, le jardin de sculptures dû au génie, pour ne pas dire à la folie de Gustav Vigeland. Ce dernier, peu connu hors de son pays mais célébrissime ici, s'était fait confier par les autorités d'Oslo l'aménagement d'un grand parc aux limites de la cité; il y a passé plus de vingt ans à sculpter ou faire sculpter par des élèves, d'après ses maquettes, pas moins de 200 monuments de granit ou de bronze comportant quelque 750 personnages nus, de toutes les conditions et de tous les âges, depuis le fétus jusqu'au vieillard mourant, en passant par des vénus plantureuses, des athlètes en pleine course ou en plein saut, des couples clairement homosexuels, des familles dans leur intimité... Vaut vraiment le détour.
Après un dernier arrêt sans grand intérêt dans la station balnéaire suédoise de Lysekil, nous rentrons à Copenhague, que nous retrouvons avec plaisir le temps d'aller nous régaler d'un succulent smorrebrod (sandwich-lunch traditionnel) dans un café d'une des rues piétonnes.
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