17 mars 2016

Adieu, l'Amazone

Nous faisons nos adieux à l'Amazone après toute une semaine de vagabondage le long de ses méandres multiples et compliqués (la capitaine vient de mentionner — pour ceux qui n'avaient jamais traversé l'équateur — que nous l'avons franchi dans un sens ou dans l'autre pas moins de sept fois en autant de jours). Adieu aux eaux tantôt transparentes et sombres, tantôt d'un ocre opaque et doré. Les deux couleurs se côtoient parfois, comme ce fut le cas juste avant Manaus dans une aube incertaine et comme ce l'était encore, de manière plus frappante, hier midi au départ de Santarem.
Après une matinée pluvieuse, anormale et frustrante sur la ville qui détient le record d'ensoleillement de la région, le beau temps est revenu juste comme nous quittions le port. En aval devant nous, il éclairait superbement l'immense lit du fleuve, partagé selon une ligne qu'on aurait crue tracée au cordeau entre le flux principal jaunâtre descendu de Manaus et l'apport bleu marine miroitant du Rio Tapajos qui finissait par s'y fondre quelques milles plus bas. 
En soirée, l'Amazone nous a offert son dernier double feu d'artifice. Dans un premier temps, une déchirure horizontale dans un ciel d'acier violet lourd de menaces sous lequel ondulaient des rideaux sombres de pluie soutenue laissait exploser juste sur l'horizon un coucher de soleil dont l'astre orange était à peine perceptible sur un fond du rouge sang le plus profond que j'aie jamais vu. Si j'en affichais l'image, vous croiriez à un délire engendré par PhotoShop!
À peine une heure plus tard, une fois la nuit équatoriale brusquement tombée, un crépitement électrique nous a alertés au second acte du spectacle. Au moins une fois par minute pendant un long moment, de longs et capricieux éclairs tapissaient le ciel d'un blanc-bleu de néon sculpté de nuages aux formes étranges, tandis que l'eau du fleuve prenait la teinte et la translucidité sirupeuse d'une coulée de miel. Le tout évidemment accompagné des longs roulements de tambour d'un tonnerre sourd mais omniprésent.
Décidément, le grand fleuve sait faire les choses... et se faire regretter, malgré sa chaleur moite intense, ses moustiques, ses maladies et ses caprices.

Aucun commentaire: