11 mars 2016

Si tu vas à Rio (air connu)

Évidemment, que je n'ai pas oublié de «monter là-haut», en deux sauts de vertigineux téléférique, pour contempler du sommet du Pain de Sucre le fabuleux panorama des plages d'Ipanema et de Copacabana et les tapis grouillants des favelas plaquées comme de vieilles couvertures rapiécées sur les collines derrière. 
Évidemment, que nous nous sommes retrouvés sous les immenses bras ouverts et protecteurs du Christ du Corcovado — en fredonnant, tout aussi évidemment, «Quiet nights and quiet stars, Quiet songs for my guitar...» avec en tête la voix de velours d'Astrud Gilberto caressée par le soyeux saxo de Stan Getz. 
Évidemment, que nous avons arpenté les larges trottoirs chics de l'Avenida Atlantica et ceux, plus encombrés et plus peuple, de sa parallèle Copacabana en suivant à la trace les pas songeurs et désenchantés de l'inspecteur Espinosa dans «Le Silence de la pluie». Deux semaines plutôt, c'eussent été ceux d'Orphée et d'Eurydice dans la cohue du Carnaval assassin d'«Orfeu Negro»...
Malgré des écharpes d'averse entre lesquelles se glissaient des lambeaux de chaud soleil de fin d'été, le charme de Rio de Janeiro, fait de glamour chargé d'énergie mais tempéré par une nonchalance calculée, opérait à plein régime lors de ces deux jours d'escale, à la hauteur de toutes nos attentes. 
C'est un ami de rencontre à bord du Mariner, carioca d'adoption lui-même et lapidaire huppé, qui nous a magnifiquement sauvé la mise, en nous fournissant les chauffeurs et le guide francophone que le bureau de la croisière et les agences locales contactées n'avaient pas réussi à dénicher.
Nous avions croisé Ronnie Hazan aux tables de casino, avions poursuivi la relation dans un des bars du sixième pont en échangeant nos impressions de São Paulo (voir plus loin) et l'avions définitivement scellée lors d'un dîner gastronomique à Signatures, le resto chic du paquebot, en apprenant qu'il était quasi contemporain et compatriote de Georges Moustaki, comme lui juif d'Alexandrie devenu francophone et éternel exilé.  
Comme le paquebot était amarré au port des croisières à l'extrémité nord de la ville, chaque balade dans celle-ci commençait et se terminait par une longue traversée de la circulation éternellement congestionnée du centre des affaires, hérissé de gratte-ciels entre lesquels se nichent les quelques survivants du passé colonial et impérial de l'ancienne capitale brésilienne. 
En-dehors des pélerinages obligés au Pain de Sucre, au Corcovado et au foisonnant jardin botanique voisin du beau et vaste lac de Freitas, nous nous sommes surtout contentés de vagabonder au gré des préférences de notre guide très décontracté et de nos propres fantaisies. C'était pour un café ici, ailleurs un délicieux lunch de fruits de mer au coude-à-coude avec une foule de cariocas gourmands et gourmets, puis un arrêt dans une librairie-papeterie achalandée, un coup d'oeil au point de vue enchanteur révélé au tournant d'une rue sinueuse escaladant un des «morros», enfin un regard admiratif aux exploits des joueurs de volley-ball de plage  qui bondissent et se détendent comme des ressorts bronzés de part  et d'autre des filets rouge vif dressés sur le sable doré tout le long des trottoirs du bord de mer...
Sans compter deux passages obligés mais charmants à l'élégante boutique de Gaby, le fils bijoutier de notre ami Ronnie, en plein coeur du quartier des grands hôtels mythiques de Copacabana. Est-ce l'effet du charme du vendeur grisonnant ou celui de caipirinhas savamment dosées, toujours est-il que nous en sommes ressortis avec deux jolies bagues (moi qui n'en ai jamais porté!) que nous nous sommes mutuellement offertes. Bye-bye, Rio!
Il est sans doute heureux que nous ayons visité São Paulo quelques jours plus tôt, ce qui nous a permis de l'apprécier sans la tentation des immanquables comparaisons avec sa rivale infiniment plus sexy.
Les souvenirs que nous en gardons ont visiblement pâti du contraste, mais impossible d'oublier l'impression d'intense vitalité et d'ambition sans relâche qui animent la gigantesque métropole industrielle et financière de près de vingt millions d'habitants (40 millions avec la région environnante) qui ne cesse de s'étendre sur son plateau assez accidenté à 400 mètres d'altitude et à une heure de route de la mer et de son port archi-affairé — et pas très appétissant — Santos.
Notre guide Franciella, au français délicieusement chantant et au franc sourire de grande fille sportive, a tout fait pour nous faire partager son amour pour sa ville, par exemple en nous amenant dès l'arrivée dans le savoureux quartier japonais, devenu très cosmopolite, avec son petit marché aux étals chargés de curiosités et de gourmandises et aux vendeurs volubiles. Elle nous a ensuite promenés entre le centre historique bien restauré, le magnifique et immense parc Ibirafuera truffé de pièces d'eau, de monuments, de musées d'art ancien et moderne, enfin les beaux quartiers résidentiels fleuris des Jardins aux résidences somptueuses et souvent extravagantes, pour aboutir à un succulent repas de viande rouge et tendre dans une grande «charrusqueria» animée, recouverte par les branches monstrueuses d'un arbre gigantesque.
Somme toute une bonne journée et une ville qui méritait bien le détour... quoique, à côté des délices décadents de sa plus petite rivale Rio...

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