20 mars 2016

Le Diable ne veut pas de nous

Notre dernière escale vraiment sud-américaine devait être avant-hier midi au bagne de l'Île du Diable, face à Kourou en Guyane française. 
Or, le Mariner a eu beau manoeuvrer pendant trois-quarts d'heure pour se positionner dans le creux plus ou moins protégé entre l'Île Royale et l'Île Saint-Joseph, une mer démontée fouettée par une brise de près de 40 noeuds faisait jiguer les navettes face à la plate-forme d'embarquement, à tel point que la capitaine Serena, à regret, a annulé la visite à terre. Le Diable ne voulait manifestement pas de nous!
Dommage, car la célèbre prison abritée par les trois minuscules Îles du Salut, vue du pont supérieur du paquebot, semblait bien correspondre en tous points à la description lapidaire du journaliste Albert Londres: «Un enfer au Paradis». Un belle plage blonde frangée d'écume éclatante par-dessous et de coquets cocotiers baignés de soleil par-dessus prenaient en sandwich des bâtiments pénitentiaires aux mines aussi patibulaires que leurs anciens détenus. Seule la Maison du Bagne — ancienne résidence du Gouverneur devenue musée — y mettait une note rose et blanche incongrue.
Pour nous, la déception était double, car nous devions y retrouver la cousine antillaise Colette, résidente de la Guyane depuis des décennies, que nous n'avions pas vue depuis un dîner en mémoire de sa maman défunte en Martinique, il y a plusieurs années. On se reprendra sans doute, mais quand? À notre âge, on commence à sentir que de tels renvois à plus tard deviennent aléatoires...
La sortie de l'immense embouchure de l'Amazonie s'était faite tout en douceur. Un dernier arrêt au port de Macapa au lever du jour jeudi n'avait qu'une valeur technique et douanière, pour le départ du dernier pilote fluvial et la sortie officielle du territoire brésilien où nous naviguions depuis plus de deux semaines.
La taille du fleuve et la puissance de son courant ont cependant continué de se manifester bien au-delà: nous étions depus plusieurs heures déjà hors de vue des côtes (et donc officiellement dans l'Océan Atlantique), que les eaux autour du vaisseau continuaient de charrier le limon ocre caractéristique du lit amazonien... malgré des vagues bien océaniques de près de deux mètres! Ce n'est que dans l'après-midi qu'elles ont graduellement pris leur vert naturel.
Ce matin, nous faisons une assez courte escale à la Barbade. C'est la plus excentrée des îles des Antilles, directement à l'est de la Martinique et de Sainte-Lucie. C'est aussi une des moins fréquentée par les navigateurs, car les vents prévalents des Alizés soufflent presque toujours est-ouest, ce qui signifie que pour y venir à la voile de la Caraïbe, il faut se taper un vent debout qui oblige soit à de longues bordées, soit à du cabotage à moteur.
Cela explique que c'est la seule île de la région que nous n'avons jamais visitée sur le Bum chromé. Notre seul passage, dont nous avons gardé un fort bon souvenir, s'est fait sur un navire de croisière qui nous ramenait de la Martinique vers l'Europe.
Le reste du voyage, moins d'une semaine, se passera presque entièrement en terrain connu: Antigua (au moins trois fois, avec plaisir), Porto Rico (deux fois), Nassau (jamais, mais ça ne nous manque pas) et Miami (trop souvent!) puis l’avion pour Montréal... et la fin de l'hiver, dont nous n'avions vécu qu'une seule journée. Celle de notre départ pour Fort-de-France lors de la première bordée de neige, trois jours après Noël.

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