Charles et son neveu, le fils du sénateur de la Martinique Serge Larcher, devaient se joindre à nous pour l'étape Sainte-Anne-Le François, mais la circulation entre le Diamant et le Marin vendredi matin était si difficile qu'ils y ont renoncé.
Nous partons tôt du ponton afin d'aller rejoindre la flotte au large de Sainte-Anne... pour découvrir que le départ a été retardé d'une heure. Tant pis, on en profitera pour prolonger un petit-déjeuner expédié en vitesse, et pour plonger dans l'eau déjà chaude de l'Anse Caritan.
Cette avant-dernière étape du Tour des yoles contourne l'extrémité sud-est de l'île par la Pointe des Salines, l'Îlet Cabrit et la spectaculaire et redoutable Table du Diable (photo) aux récifs en dents de scie, pour remonter ensuite la Côte atlantique très venteuse jusqu'aux îlets et à la plage du François. C'est une des plus longues, des plus variées et des plus difficiles journées de toute la course, d'autant plus que la fatigue commence à gagner les équipages et rend les manoeuvres moins précises.
Notre favorite Brasserie Lorraine, gagnante de la veille, commence très bien la journée mais rate un bord après l'Îlet Cabrit et se retrouve reléguée à plusieurs minutes des meneurs. UFR-Siapoc, la seule yole qui a encore une chance sérieuse de rattraper la meneuse Mirsa, tente de pousser celle-ci à l'erreur, en vain. Elle ne lui reprendra guère qu'une minute ou deux à l'arrivée, laissant Joseph Cottrell, désormais peu menaçant, l'emporter par une marge assez étroite.
Outre sa difficulté, l'étape du François est caractérisée par un des plus beaux et des plus populaires mouillages de toute la Martinique, les Fonds-blancs (dont j'ai déjà parlé) également surnommés "la Baignoire de Joséphine".
Ce samedi après-midi, ceux-ci sont rapidement transformés en une gigantesque disco flottante, entre les plates-formes mouvantes de laquelle circulent sans arrêt les scooters de mer et les annexes remplies de candidats zoukeurs, au grand dam des pauvres baigneurs qui se tiennent vaille que vaille à l'abri de leurs propres bateaux pour éviter de se faire assommer. La fête se prolongeant tard dans la soirée, nous sommes même forcés d'aller jeter l'ancre un peu plus loin pour pouvoir dormir.
Au lever du jour, après un rapide petit-déj de zakaris et marmelade de citron-vert, nous partons nous ancrer dans le fond de la Baie du François pour y récupérer nos passagers du jour. Comme il s'agit de l'étape finale du Tour -- et que c'est dimanche --, tout le monde veut en être. Gérard doit donc faire plusieurs fois la navette entre le Bum et un embarcadère surchargé, d'où il extrait tour-à-tour le cousin Daniel avec sa fille Armelle et son petit-fils Johann, sa propre famille (son frère Jean-Philippe, Mathilde et Pauline), Miguel avec sa copine Marion et sa fille, enfin Chantal et Virginie qui fournissent le repas, un savoureux couscous précédé d'accras, de boudin et de féroce.
Nathalie nous sert de figure de proue!
C'est la première fois depuis que nous en avons pris possession que le Bum chromé transporte une quinzaine de personnes, dont deux gamins remuants. Nous nous sentons un peu envahis et désorientés au départ, mais il s'avère bientôt que les dimensions spacieuses du cata et la division des espaces extérieurs en trois zones bien distinctes: cockpit, skybridge et banquette avant, rendent cela tout-à-fait vivable (pour une journée, s'entend; je ne nous vois pas traverser de nouveau l'océan avec un tel équipage!).
Cette manche "atlantique" ultime a un aspect curieux et plutôt frustrant: pendant presque la moitié de la journée, nous allons perdre les yoles de vue tandis qu'elles font la course au fond de la Baie du Robert, dont l'embouchure est bloquée par plusieurs petites îles et dans laquelle il nous est impossible de pénétrer.
Il faut donc nous fier à la radio pour suivre le déroulement des événements, en particulier l'extraordinaire numéro réussi par la malchanceuse Rosette, qui par la faute de ses deux chavirements précédents est écartée du podium final, mais qui se venge et fait la preuve de ses hautes qualités en emportant brillamment la dernière étape. Pendant ce temps, les quatre meneurs se marquent deux par deux: Mirsa et UFR pour la première place, Joseph Cottrell et Brasserie Lorraine pour la troisième. Dans les deux cas, l'écart entre les deux yoles est d'une dizaine de minutes.
C'est UFR qui vient le plus près de réussir l'exploit, reprenant environ sept minutes de son retard... mais ce n'est pas suffisant. Mirsa
est proclamée grand vainqueur du Tour des yoles 2008, suivie d'UFR, de Cottrell et de Lorraine.
Pour Mirsa, dont l'équipage est jeune, c'est un exploit inespéré et imprévu: bien peu d'experts lui accordaient des chances de victoire cette année. Pour Brasserie Lorraine, qui devait courir avec une "vieille" yole (la nouvelle n'étant pas prête à temps) et qui n'était que 9e l'an dernier, c'est aussi une grande réussite.
Par contre, pour UFR, vainqueur des deux précédentes éditions et grand favori au départ, la deuxième place est une déception. Mais les plus déçus sont certainement les équipiers de Joseph Cottrell, deux fois deuxièmes précédemment... et qui ont été clairement les meilleurs sur la plupart des étapes, une seule erreur leur ayant coûté une victoire finale qu'ils auraient bien méritée.
Pendant que la fête ultime du Tour 2008 se met en branle dans la Baie de Trinité, nous débarquons la plupart de nos passagers, qui regagneront leur domicile en voiture à travers un embouteillage monstre. Hélas, Gérard apprend par la même occasion que des voyous ont défoncé sa précieuse 4X4 que son frère avait garée derrière le bourg. Ont disparu un téléphone mobile, la radio de bord, des cartes bancaires et divers documents, sans compter des vitres cassées et une carrosserie abîmée.
Après un rapide passage au poste de police (qui le renvoie chez les gendarmes du Marin), il revient à bord en masquant tant bien que mal une humeur massacrante, et nous décidons de rentrer "à la maison" immédiatement, malgré l'heure tardive.
Le plus gros de la navigation vers le Marin se déroule donc à la belle étoile, avec un bon vent de nord-est et un ciel dégagé qui en font un enchantement. Tandis que les autres passagers font la causette en bas dans le cockpit, Azur, Pauline et moi tenons compagnie au skipper juchés sur le skybridge, bercés par la houle plus longue de l'Atlantique et par une brise encore très douce, au son du concerto de guitare de Rodrigo. Quelle plus belle façon pourrions-nous trouver de couronner une semaine extraordinaire?
1 commentaire:
Quelles aventures passionnantes ! Très coquette aussi, la figure de proie ! Gérard a bon goût.
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