Cette date doit avoir quelque chose de maléfique. L'an dernier, l'ouragan Dean y dévastait la Martinique. Cette année, c'est une bien triste nouvelle qu'elle nous apporte: la tante Marcelle d'Azur, qui était entrée à l'hôpital pour une opération plutôt anodine, est décédée subitement de complications imprévues au début de l'après-midi. Bien sûr, à 88 ans, ce n'était pas totalement inattendu, mais nous l'avions vue chez elle à Balata il y a un mois, nous lui avions parlé au téléphone il y a moins d'une semaine depuis le mouillage de Sainte-Lucie et elle semblait en forme pour durer plusieurs années encore. En contrepartie, son dernier frère survivant, Vincent, était décédé il y a trois mois et il n'est pas rare que le départ d'un proche ait cet effet sur les personnes âgées.
L'appel du cousin Daniel nous est parvenu en milieu d'après-midi alors que nous faisions la sieste. Hier matin, nous étions allés reconduire Geneviève et Yves à l'aéroport, nous promettant une semaine ou deux de repos et de solitude après les périodes fort animées du Tour des Yoles et de l'excursion aux Grenadines. Ceci va évidemment nous obliger à reformuler nos plans.
Vendredi, nous avions fait faire un tour presque complet de la Martinique à ma nièce et à son copain; il nous paraissait un peu absurde qu'ils ne soient venus ici que pour s'embarquer sur la cata et en débarquer. Nous avons donc contacté Éric, chauffeur de taxi émérite de Trinité doublé d'un guide touristique professionnel, qui est venu nous prendre tous les quatre à la Marina.
Première étape, les Trois-Îlets et le Musée de la Pageraie, lieu de naissance de l'Impératrice Joséphine. Un très joli point de vue en haut du bourg sur la Baie de Fort-de-France, puis la route semi-circulaire vers la capitale, également contemplée du haut du belvédère de l'hôpital derrière Trenelle.
Par la route de Balata, bordée de superbes maisons coloniales jadis habitées par les notables blancs et mulâtres du pays, nous avons rejoint la Trace, qui s'insinue le long des mornes du centre de l'île à travers la forêt tropicale, dans un délire de fleurs éclatantes, de lianes, de fougères arborescentes et de délicats bambous, le tout surplombé de mahoganys centenaires.
Comme la Montagne Pelée était enveloppée de nuages opaques, inutile de grimper jusqu'au point de vue de l'Aileron, pourtant superbe par temps clair. Nous avons donc bifurqué au Morne-Rouge pour descendre vers Saint-Pierre et la Côte caraïbe.
En ce jour férié de l'Assomption (C'est un mystère pour moi que la France, pays "laïque", célèbre autant de fêtes religieuses!), la rhumerie DePaz est fermée. Dommage, car c'est sans doute notre préférée en Martinique, autant pour son charmant emplacement que pour ses installations fonctionnelles... sans compter qu'on y vend un des plus fins rhums hors-d'âge de l'île, introuvable ailleurs qu'à la distillerie même.
Pour nous consoler, nous allons nous taper un repas typiquement martiniquais à "La Paillotte", un petit resto dont la terrasse est un auvent dressé directement sur la plage de sable noire. Rhum blanc pour les uns, vieux pour les autres, accras abondants et savoureux, délicieux "touffé" de requin et colombo (cari) de poulet, très bonne pieuvre en sauce à laquelle il ne manque qu'un soupçon de piment, riz vapeur bien détaché et "pois rouges" (haricots en sauce) succulents. Au moins, Yves et Geneviève auront eu un bon aperçu de la cuisine locale dans son plus traditionnel.
Après que la nièce se soit trempé les orteils dans l'eau, nous regrimpons sur les pentes de la Pelée pour redescendre sur la Côte atlantique par le village-jardin d'Ajoupa Bouillon jusqu'au Lorrain puis au petit port de pêche du Marigot, aujourd'hui complètement endormi sauf pour trois ou quatre gamins qui pêchent à la ligne au bout du quai.
À Sainte-Marie, embouteillage monstre: c'est la fête communale (évidemment, l'Assomption!) et des courses de chevaux se déroulent sur la belle grande plage qui longe le bourg. Nous arrivons à nous dégager de la cohue pour un détour vers le Musée du Rhum Saint-James, élégant et pédagogique (même si nous privilégions toujours DePaz). C'est le temps d'acquérir quelques sérieuses bouteilles, dont une partie resteront à bord, les autres repartant qui pour Montréal, qui pour Montpellier. On n'est jamais trop prévoyant.
Un peu plus loin, courte étape au belvédère du Mont Poirier, un des plus beaux panoramas de la Martinique -- c'était d'ailleurs un des favoris d'Aimé Césaire, paraît-il. La redescente sur un étroite route ultra-sinueuse est l'occasion pour Azur de lancer une de ses expressions préférées: "Tirez roches, mettez paille!" ou, en bon français, "enlevez les pierres, étendez de la paille", sous-entendu: "On va tomber!"
Le reste du trajet le long de la côte, via le Robert, le François et le Vauclin, s'est déroulé sans autre incident qu'une courte averse. Le chauffeur Éric nous dépose au parking de la marina, où je dois négocier à la hausse sa rémunération -- il nous a clairement pris à la bonne.
Pour Yves et Geneviève, cette balade semble avoir été un digne couronnement à une bonne semaine de vacances sous les tropiques... du moins si j'en juge par leur intention fortement exprimée de revenir bientôt.
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