01 août 2009

Les chics canassons d'York

(13 juillet 2009) Malgré la différence de langue et de climat, nous nous sentons presque chez nous à York. Comme Montpellier, c'est une ville de taille moyenne, fortement marquée par son université et jouissant d'un centre piétonnier agréable. On peut faire facilement à pied le tour de ses principaux attraits, en particulier le Minster, sa cathédrale et ancienne abbaye aux vitraux exceptionnels.
Peu de très haute restauration, mais comme à Montpellier aussi, un bon nombre de petits restaurants de bonne qualité à prix doux, ajustés à la bourse des étudiants. Plus un musée exceptionnel, celui de l'histoire des chemins de fer, situé derrière la très belle gare victorienne et son hôtel d'époque (le Royal York, what else?).
Samedi matin, nous sommes partis explorer, et avons immédiatement débouché sur une course de bateaux-dragons (curieusement semblables à ceux de Singapour il y a quatre ans!) qui se déroulait près d'un pont enjambant l'Ouse tout près de l'hôtel. Nous avons continué la balade à travers le vieux quartier du marché, jusqu'à un sympathique restaurant de fruits de mer, le Loch Fyne (délicieux flétan et truite).
Au mur, une affiche claironne la grande semaine locale de courses de pur-sang, qui se termine justement cet après-midi. Tiens, pourquoi pas? Un taxi nous amène à l'hippodrome situé aux portes de la ville, à travers un embouteillage monstrueux: le Racing Week, c'est clairement tout un événement pour York et sa région.
À notre grande surprise, une bonne moitié des amateurs de courses ont sorti leur tenue des grands jours: les femmes en robe de couleurs vives (parfois) à crinollines et coiffées (souvent) d'invraisemblables chapeaux à fleurs grands comme des parasols, les messieurs en complet gris-cravate, incluant l'occasionnel haut-de-forme. Moi qui croyais que ce genre de déguisement était une licence poétique que s'était offerte le réalisateur de "My Fair Lady", j'ai presque l'impression d'être sur le site du tournage.
D'ailleurs, impossible de pénétrer sans une "tenue correcte" dans les zones huppées de l'hippodrome: avec nos jeans-sandales, nous n'avons droit qu'à la tribune populaire, quel que soit le prix que nous sommes prêts à y mettre. Et même là, le nombre de complets et de robes-coquetel est étonnant, autant que la foule: il doit bien y avoir 20-25 000 personnes assemblées dans les divers enclos et tribunes.
Pas besoin de dire que dans les circonstances, l'intérêt est bien plus au parterre et dans les estrades que sur la piste même. D'autant plus que la multitude de stands de bookmakers affichant qui sur une ardoise ou un carton griffonné, qui sur un tableau lumineux dernier cri les cotes les plus alléchantes, ajoute à la couleur (et au bruit) du spectacle.
Pour la course principale, un Grand Prix doté d'une bourse de 150 000£, je décide de tenter ma chance et fais du shopping pour les meilleurs "odds" sur le No 4 (pigé au hasard, je n'y connais rien ici), qui oscille entre 10 et 15 pour 1. Je me décide enfin pour SportingBet, qui offre du 14 mais semble mieux équipé et plus sérieux que la plupart de ses rivaux. Après avoir écouté la façon dont les "punters" énoncent leurs paris, je m'avance avec assurance: "Ten each way on the four." Un rouquin en costume olive me tend aussitôt un coupon de caisse qui est mon billet.
Nous dénichons une place assise dans les marches de la grande estrade, le dos à une rampe d'escalier, nous relevant seulement au départ de l'épreuve. La piste est immense, si bien que la course d'un mille et deux furlongs démarre tout à l'autre bout, les chevaux ne nous paraissant guère plus gros que des souris derrière la barrière. Heureusement, le tableau d'affichage au milieu du champ se transforme en écran géant, offrant en gros plan les premières phases de la compétition.
Dans l'intervalle, les cotes ont évolué, mon No 4 étant désormais estimé à 25/1; j'aurais dû attendre. Pour l'instant, il se comporte pas mal, se tenant parmi les cinq ou six premiers. C'est seulement après le virage final, lorsque la quinzaine de concurrents se présentent sur le dernier droit (qui doit bien faire un kilomètre), que nous pouvons regarder notre argent courir "en direct".
Un instant, je crois avoir touché le gros lot: à 2-300 mètres de l'arrivée, le 4 s'est hissé en tête et semble vouloir tenir le coup. Faux espoir, le 2, grand favori, vient le coiffer au fil d'arrivée suivi du 6. Bof, je n'ai pas tout perdu, le pari placé me rembourse ma mise, plus le prix d'entrée.
Toutes ces émotions nous ont donné soif, nous arrivons à capturer une table dans la brasserie derrière les estrades, que nous finirons par partager avec trois dames à chapeaux qui engoutissent des quantités impressionnantes de saucisses-purée et de rosbif-Yorkshire pudding, sans compter des pints de bière locale.
Après deux autres épreuves moins excitantes (pour pouliches sur courte distance et pour novices de 3-4 ans plus ou moins estropiés), nous décidons de nous défiler avant la fin pour éviter la galopade vers les stationnements et les taxis.
Dimanche, nous complétons notre tour de ville et suivons une recommandation du routard, le restaurant Melton's, champion de la cuisine locale... et des portions gargantuesques. Ma tourte au steak et à la bière est aussi énorme que savoureuse, Azur hérite d'un foie de veau-bacon de très bon niveau. Pause à la terrasse d'une taverne au bord de l'Ouse, pour contempler les ébats des cygnes, oies et canards en sirotant un digestif.
L'hôtel nous a déniché un chauffeur aussi discret que compétent pour la dernière étape de notre trajet vers le nord. Nous faisons un détour vers la superbe petite ville de Dunham, antique et coquette, à la sortie de laquelle nous nous arrêtons pour bouffer dans un resto de bord d'autoroute, une des rares vraies déceptions du voyage: décor prétentieux, barman revêche, service inexistant, nourriture standard sans saveur. Fallait bien que ça arrive au moins une fois, pour justifier tous ces préjugés contre la cuisine anglaise!
Pour entrer en Écosse, nous quittons l'autoroute et zigzaguons par monts et par vaux à travers le joli parc des Lothians. Le temps se couvre au moment où nous franchissons le Mur d'Hadrien (une ruine à peine perceptible sous un vallonnement de gazon qui se perd à l'horizon vers l'ouest) et atteignons une borne de pierre symbolique qui marque "The Border" entre l'Angleterre et sa voisine du nord.
Graduellement, le paysage devient plus sauvage et plus tumultueux, avant de s'apaiser à l'approche de la capitale. Édimbourg est sous une pluie fine quand nous y entrons en fin de journée, tout paraît gris et sévère.

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