(20 juillet 2009) Nous avions l'intention de passer au moins deux jours dans l'intérieur du pays, mais les charmes de l'Apex Hotel et la lassitude de changer de gîte tous les deux jours nous incitent à changer notre projet. Nous resterons centrés sur Édimbourg, mais ferons une grande journée de tournée dans les highlands, possiblement jusqu'au fameux Loch Ness.
Duncan, le chauffeur trentenaire déniché par l'hôtel, vient donc nous prendre un matin à mi-séjour pour nous emmener d'abord au typique village de Dunkeld, dont le charme a curieusement résisté à l'inévitable touristisation galopante.
Flânerie dans les rues (et une ou deux boutiques), et surtout une heure toute paisible passée dans le parc et les ruines de l'abbaye dont la nef sert encore d'église paroissiale.
Nous nous attardons avec délectation sous les arbres immenses et sur les pelouses qui descendent en pente douce vers une paresseuse rivière où les gens du pays, assis sur des tabourets pliants, pêchent la truite sans même nous accorder une seconde d'attention.
Pénétrant dans les terres hautes, au gré de vallées se faufilant le long de vifs ruisseaux enserrés entre des collines de plus en plus abruptes, nous débouchons sur le spectacle étonnant de Blair Castle,
vaste château moyen-âgeux hérissé de tourelles et de créneaux... mais entièrement peint en blanc sous ses toits d'ardoise sombre.
Courte promenade du côté de son parc aux cerfs, où une nombreuse famille (mâle, une dizaine de femelles et trois ou quatre bambis tachetés presque trop gracieux pour être vrais) broute tranquillement à l'écart des touristes, ne s'approchant que lorsque le gardien leur apporte à manger.
Après un détour vers le "Jardin d'Hercule", un parc à l'italienne entourant un bel étang aux nénuphars en fleurs, nous reprenons la route vers le nord et la distillerie de Dalwhinnie (en Écosse, tous les villages ont l'air d'avoir des noms de scotchs single-malt... ou vice-versa).
Le quinquagénaire alerte -- faut nous voir galoper derrière lui dans les escaliers -- qui nous fait visiter est passionné par son sujet, qu'il connaît clairement de première main. Il nous fait passer par toutes les étapes, du maltage de l'orge qui s'effectue traditionnellement sur le plancher même de la distillerie, jusqu'à la double ou triple distillation puis au coupage (à l'eau pure) et au vieillissement dans une cave sombre où sont entreposés cinq mille fûts qui ne sont manipulés qu'à la main, toute machine (susceptible de faire des étincelles dans une atmosphère fortement imbibée d'alcool) y étant interdite.
Après l'inévitable achat d'une ou deux bouteilles dans la boutique attenante, nous reprenons la voiture pour chercher un endroit où manger. Mais il est déjà 14h30, et tous les restos et hôtels où nous tentons notre chance ont déjà fermé leur cuisine. Nous finissons par nous rabattre, nonobstant les réserves de Duncan, sur un modeste routier dont le stationnement est encombré de poids lourds -- un bon signe à notre avis.
Plus routier que ça, tu meurs: il y a même dans les W.C., à côté de l'urinoir, une cabine de douche pour permettre aux chauffeurs de camions de se rafraîchir! La cuisine est à l'avenant, sans chichis mais bien faite et plantureuse. Azur hérite d'une énorme salade et d'un poisson frit, je décide qu'il est temps de goûter au plat national, le "haggis", dont la description (un hachis de tripes et abats de mouton) me faisait hésiter jusqu'ici. Bien m'en prend, car avec une bière, servi en entrée avec des boulettes de patates écrasées et arrosé d'une sauce piquante, c'est excellent. Surtout suivi d'un tendre et juteux steak de gibier. L'addition pour trois s'élève tout juste à ce que nous auraient coûté un apéro et des amuse-gueule dans un restaurant montpelliérain moyennement huppé!
Vers quatre heures, bien rassasiés, nous reprenons la route pour déboucher à Fort Williams, sur les bords d'un immense fjord aboutissant éventuellement sur la Mer d'Irlande (tant pis pour le Loch Ness, c'était vraiment trop loin et de toute façon, chacun sait que le monstre est parti en vacances à l'Île de Ré). Après un bout de chemin le long de la côte, nous nous enfonçons de nouveau dans les montagnes et le parc du Loch Leven.
La route tortueuse suit surtout le fond des vallées et le rivage des nombreux lochs qui y nichent, longeant et croisant à l'occasion une spectaculaire ligne de chemin de fer à l'existence bien éphémère: d'après Duncan, à peine une dizaine de trains l'avaient empruntée avant qu'une gigantesque avalanche n'en emporte un tronçon -- sans faire de victimes, heureusement. Face à l'énormité et à la difficulté de la tâche de déblaiement et de reconstruction, les autorités ont tout simplement baissé les bras et laissé les choses en l'état.
Duncan est un type sympathique mais un peu taciturne, qui a pris un bout de temps à se dégeler et à sortir de son laïus de guide (fort compétent, soit dit en passant) pour converser d'autres sujets. Nous avons fini par apprendre qu'il a roulé sa bosse dans le Pacifique, vivant quelques années en Nouvelle-Zélande puis en Australie, où il est ensuite retourné avec sa copine américaine faire, en trois mois, le tour de la Tasmanie en vélo et en camping.
La copine (ici, ils disent plutôt "my partner", il nous a fallu un moment avant de distinguer s'il s'agissait d'un garçon ou d'une fille) est actuellement aux USA dans sa famille, attendant la réponse à une demande de visa permanent pour le Royaume-Uni. Et elle trouve qu'il ne n'appelle pas assez souvent, ce qui a incité Azur à ordonner à Duncan de stopper la voiture pour lui passer immédiatement un coup de fil!
Pour compléter la journée, notre chauffeur-guide nous a amenés voir sa merveille éco-technologique préférée, la Falkirk Wheel. Qui n'a d'ailleurs rien d'une roue, mais ressemble plutôt à un accessoire géant de robot culinaire. Il s'agit en réalité d'un ascenseur unique au monde permettant de connecter deux canaux qui relient Édimbourg à Glasgow, mais qui sont décalés de quelque 25 de mètres de hauteur.
Tournant autour d'un axe horizontal à mi-hauteur, deux immenses sas d'écluse suspendus dans des berceaux symétriques à la forme bizarroïde accueillent barges et bateaux de plaisance pour les soulever ou les abaisser, sans utiliser d'autre énergie que celle fournie par les eaux du canal supérieur! Fabuleux.
La veille de notre départ, nous sommes partis à pied nous balader dans la vieille ville, le long de ce qu'on appelle le "Royal Mile", formé de quatre rues et places qui s'étendent de l'antique château médiéval (devenu musée) au victorien palais de Holyrood, résidence officielle de la Reine lorsqu'elle est en Écosse -- autrement qu'en vacances en son château "personnel" de Balmoral.
C'est au cours de cette balade que j'ai enfin trouvé le souvenir que je cherchais pour ma soeur Marie, une authentique cornemuse en format réduit. Bien hâte de voir comment elle va se débrouiller avec.
Même s'il n'était recommandé par aucun guide et fréquenté par aucun touriste à notre connaissance, le Wee Windaes, posté en diagonale de l'archi-connue maison du réformateur protestant John Knox, nous a servi une très bonne cuisine locale: haggis pour moi (décidément c'est un goût qui s'acquiert) et succulentes saucisses de bécasse au poivre vert pour Azur.
Une chance d'ailleurs que nous avons bien mangé samedi après-midi, car dimanche matin c'est une autre histoire.
Cela faisait deux jours que j'essayais vainement de réserver des billets d'avion Édimbourg-Paris sur le site Web d'Air France. Sans succès, mais je ne m'en faisais pas trop car avant de me placarder un vilain "Sorry, service unavailable" au moment de confirmer la réservation, le système indiquait qu'il y avait amplement de la place sur le vol direct de 9h10 que nous voulions prendre.
Oh yeah? Lorsque, découragé après sept tentatives infructueuses, je me suis résigné à subir les affres du système de réservation téléphonique samedi après-midi, la demoiselle que j'ai fini par toucher après un bon vingt minutes de musak m'a gaiement révélé que (1) il ne restait plus que trois places à bord, dont deux en classe affaires et que (2) pour nous garantir la réservation jusqu'au lendemain, il fallait que nous lui fournissions une adresse et un No de carte de crédit "british" bon teint, sinon elle ne répondait de rien.
Mémémémé! Un, j'ai des cartes françaises et canadiennes en parfait ordre de marche; deux, vous êtes une ligne française et non britannique, que je sache? "Sorry, sir, mais la loâ c'est la loâ, rien à faire." Rien? "Yes, vous pouvez aller acheter directement vos billets à l'aéroport. Mais comme on est samedi, le guichet ferme à five P.M. et vous n'aurez sans doute pas le temps." C'est gai, oui?
Sachant que nos réservations étaient valables jusqu'à minuit, nous sommes quand même partis tôt dimanche matin pour arriver à l'aéroport vers 7h45, amplement à temps pour "notre" avion. Il est quand même peu probable qu'un loustic ait la curieuse idée de racheter nos billet dans le milieu de la nuit. Penses-tu!
Au guichet d'Air France, on nous apprend (dans la langue de Shakespeare, of course) que les billets ont bel et bien été vendus, et qu'il ne reste plus une seule place. "Vous pouvez toujours prendre le vol suivant qui décolle à midi 10, je vous réserve des.... oups! Complet, celui-là aussi." Le suivant? À 17h30. Il reste des places en classe affaires.
Faute de mieux, que voulez-vous? OK. On nous propose quand même de nous mettre en liste d'attente sur le 12h10, si jamais des passagers ne se présentaient pas? On dit oui, bien sûr, et qu'on reviendra au guichet sans coup férir à 10h45 pour prendre des nouvelles. En passant, sur le comptoir trône une gentille affichette disant que le guichet-billets est ouvert tous les jours jusqu'à 19h30. Si on aurait su!
Comme on est dimanche et que de toute façon l'aéroport n'a pas de resto, seulement un café genre Starbucks à chaque bout, le menu du petit déj consiste en café, brioche et eau minérale (pas même de jus frais). On n'est plus à l'Apex, il s'en faut de beaucoup.
Retour au guichet, pour une autre mauvaise nouvelle: on ne saura pas avant 11h30 s'il y a des places à bord du 12h10. Pouvons-nous au moins enregistrer d'avance nos bagages, comme ça on pourra franchir le barrage de sécurité et attendre dans un confort relatif au Salon d'Air France, auquel nos billets hors de prix nous donnent droit? Nyet. Pas d'enregistrement avant la confirmation, et au max deux heures avant le départ.
Finalement, à 11h40, la préposée aux ventes nous envoie presto au comptoir d'embarquement, il y a de la place à bord. Sauf que. À la pesée, une de nos valises fait cinq kilos de trop (la limite est désormais de 32 kilos, règle internationale). La gérante qui s'occupe des retardataires décide qu'elle ne nous laisse pas passer, ça va prendre trop de temps. Trois minutes après, les bagages sont rééquilibrés et repesés, mais rien n'y fait. Elle a pris sa décision et refuse de se déjuger.
Elle nous enjoint de nous représenter au comptoir à 15h30 pour l'enregistrement, pas une minute plus tôt. Re-Starbucks, cette fois pour des sandwiches (oeufs durs, fromage jaune, jambon pâlot) et encore de l'eau. Lecture des journaux d'avant-hier et Sudoku, y'a même pas de télé et le stand à journaux n'a que de l'engliche.
Vers 14h45, me dégourdissant les jambes, j'aperçois de loin une file de gens qui semblent attendre devant le comptoir d'enregistrement d'Air France. Et c'est le cas. Retour en quatrième vitesse au Starbucks récupérer le chariot et Azur (pas forcément dans cet ordre) pour enfin nous approcher du Graal. Notre charmante gérante, encore elle, ne s'excuse en rien (c'est nous qui avons dû mal comprendre, et puis elle sait qu'on est des clients, mais elle a d'autres chats à fouetter! Allez ouste, en ligne!).
Au bout d'un moment, je me rends compte qu'elle nous a pointés sur la queue "économie", alors que l'allée menant au comptoir "affaires" est vide. Changement de cap, qu'elle observe en fronçant les sourcils mais sans finalement dire quoi que ce soit.
Dernière péripétie: après une heure et demie d'attente (au salon, enfin, où il y a de la bibine et des sandwiches de meilleure qualité), nous finissons par gagner nos places à bord... pour apprendre qu'il n'y aura pas de repas chaud pour nous, ils ont été décommandés "parce qu'apparemment vous avez changé de vol au dernier moment", nous explique le steward. Lorsque nous lui expliquons la situation, il me tend un formulaire de plainte en précisant que si je le remplis tout de suite, il va lui-même le contresigner. Gentil, mais en attendant, re-sandwiches avec, heureusement, un bon bordeaux.
Si vous saviez comme les brochettes poulet-et-boeuf du modeste sushi à côté de notre hôtel parisien, rue Monsieur-le-Prince, goûtaient bon même à onze heures le soir, en arrivant de Charles-de-Gaulle!
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