09 avril 2011

De Martinique en Floride

(3 avril 2011) Nous avons quitté la Martinique mercredi midi à bord du Bum chromé, en compagnie du skipper Will, du cuisinier-homme à tout faire Twiggy et du technicien-réparateur Xavier, qui s'est ajouté à l'équipe en dernière minute, pour examiner le comportement du bateau en mer en cas de défauts ou lacunes imperceptibles à quai.
Lunch à la pizza dans le cockpit, tandis que nous effectuons un trajet sans histoire avec un bon vent de côté jusqu'à Sainte-Lucie, où nous reprenons presque exactement la même place au ponton qu'au dernier passage.
Le bon plan est de venir ici prendre un avion direct pour Miami, après quoi le skipper ramènera le bateau en Martinique. Ça paraît loufoque, mais il y a à cela plusieurs raisons: un, ça nous offre une dernière balade en mer; deux, le voyage "direct" Martinique-Miami demandait deux escales avec changement d'avion et huit heures de temps, tandis que depuis Sainte-Lucie c'est un seul vol en 3h30 (et pour moins de la moitié du prix); trois, c'est l'occasion de voir nos deux copains sainte-luciens, Shirley Belaye et Jean-Marie Vatinelle, ratés la dernière fois.
Shirley, la veuve de notre vieil ami guadeloupéen Robert Belaye, habite tout près de la Marina de Rodney Bay; je la reconnais à peine quand elle arrive à pied, paradoxalement parce qu'elle a à peine changé depuis notre dernière rencontre il y a une douzaine d'années -- je m'attendais à ce qu'elle paraisse plus âgée! Elle s'est convertie aux Témoins de Jéhovah (son côté mystique a toujours agacé Robert), mais ça semble lui apporter une sérénité étonnante.
Vati, lui, a perceptiblement vieilli depuis que nous avions pris un verre avec lui au Mango Bay du Marin il y a trois ans. Il a blanchi et marche avec un peu de difficulté. Et il a clairement été affecté par le décès de son meilleur ami (et un des nôtres) Jean-Marie Deschamps il y a un peu plus d'un an.
Nous passons un calme et très agréable soirée avec eux, attablés dans le cockpit, en grande partie à échanger des souvenirs communs de Montréal, de Guadeloupe et de Californie. Nos trois équipiers sont partis baguenauder dans la marina et le village voisin, pour nous accoder ce moment d'intimité.
Jeudi matin, nous fermons les bagages et les chargeons dans un immense taxi à la sortie du ponton. Pour nous rendre à l'aéroport de Henawarra, près de Vieux-Fort, il faut parcourir l'île de bout en bout, y compris une traversée à pas de tortue de la pittoresque capitale Castries, encombrée par son bruyant marché.
Nous arrêtons prendre du carburant en entrant en ville. Azur aperçoit un clochard assis au coin du poste d'essence et lui offre quelques morceaux d'un gâteau-coco maison que lui avait offert un copain au départ de la Martinique. Il faut voir comment le bonhomme se délecte de ce petit plaisir inattendu, roulant les yeux et nous adressant des signes de tête ravis en savourant lentement chaque bouchée...
Une fois sortis de l'embouteillage, nous reprenons une jolie route qui s'insinue à travers les multiples collines et montagnes, contournant par l'arrière (côté Atlantique) le volcan actif de la Soufrière, que nous avions visité -- en taxi!! -- au moins deux fois par le passé.
L'aéroport modeste mais moderne comporte un salon VIP minuscule mais joli et confortable. Le barman style grand-papa, voyant que nous parlons créole comme lui, nous prend à la bonne et nous approvisionne constamment de mini-sandwiches et de cubes de fromage arrosés de gin-tonic et d'americanos… si bien qu'au moment de monter à bord, la tête nous tourne un peu.
Bien fait, car en presque quatre heures de vol, tout ce qu'American Airlines trouve à nous offrir est de l'eau plate et du jus de pommes ou d'orange reconstitué. Même pas une cacahuète à l'horizon.
Il faut près d'une heure pour retrouver dans la cohue du Miami International Airport le chauffeur que l'hôtel Renaissance a envoyé nous prendre. Ceci fait, une autre heure ou presque est perdue à parcourir l'autoroute désolante et toujours encombrée, même à neuf heures du soir, entre Miami et Fort Lauderdale.
Arrivés à l'hôtel (confortable, heureusement), tout ce que nous trouvons à déguster est un gigantesque hamburger trop cuit et un verre de lait. Nous nous écrasons dans l'immense lit king-size sans demander notre reste. De fait, je m'étais promis un trempage prolongé dans la baignoire après un mois de douches sur le Bum, mais le bain est minuscule, presque aussi ridicule que celui de notre appartement montréalais.
Vendredi, repos et quelques courses dans le voisinage, puis séance-lézard à la piscine de l'hôtel, grande et agréable, bordée d'espèces de nids géants abrités sous des auvents.
Samedi matin, à peine sommes-nous réveillés que le téléphone sonne. Ce sont les Larcher du Diamant, Charles et Raphaëlle, juste débarqués d'une croisière à Panama, qui arrivent dans le hall de notre hôtel avec une copine martiniquaise. Nous les rejoignons pour le petit déjeûner, et je donne un coup de main à Charles, dont l'anglais est plus qu'approximatif, pour ses prochaines réservations d'hôtel. Car le trio ne rentre pas directement aux Antilles, profitant plutôt de l'occasion pour se balader quelques jours sur la côte sud-est des U.S.A., jusqu'en Virginie. Cela réglé, nous nous donnons rendez-vous pour le lunch.
Après des achats de dernière heure dans le gigantesque centre commercial Galleria, nous les retrouvons au Bimini Boatyard, sans doute l'épitome du restaurant floridien de fruits de mer: décor nautique (sans effort, la terrasse donne sur une marina voisine), personnel déguisé, portions gigantesques d'une cuisine un peu prétentieuse, pas très raffinée mais à base de produits frais d'excellente qualité.
Nous décidons de célébrer dignement cette rencontre impromptue avec un kir royal à base de champagne californien; le garçon, sentant que l'atmosphère est à la fête, nous traite aux petits oignons et parade même ses quelques mots de français, plus ou moins à propos -- mais le coeur y est.
Évidemment, les occupants des tables voisines nous examinent comme des spécimens rares: du champagne et du vin à gogo à l'heure du lunch, c'est clairement pas dans les coutumes locales. Et pis après? Ça ne nous empêchera pas de nous amuser franchement et quelque peu bruyamment.

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