(27 avril 2009) C'est l'auteur favori de maman, Georgette Heyer, qui disait fort justement que «le plus grand plaisir dans un party... c'est d'en parler le lendemain». Un plaisir auquel Azur se livre ce matin avec la plus grande volupté, recevant et émettant autant d'appels vers les copains et copines qui ont partagé nos agapes d'hier. Cela, d'autant plus que la journée a été un succès incontestable. Ce n'est pas pour rien que le gros de la semaine s'était consumé en préparatifs de toutes sortes.
Ça avait débuté par moult échanges de courriels et téléphones avec Marie-Julie Brédas sur le menu, l'ordonnancement de l'événement et le nombre d'invités, y compris un dramatique épisode où Azur a craint que nous ne soyons victimes de cette malédiction de toute hôtesse, le fatidique «treize à table». Drame évité de justesse par une combinaison de jonglage avec la liste d'invités et de féroce tordage de bras pour s'assurer que chacun amène sa compagne.
Ensuite, il y avait le problème du transport, Saint-Joseph étant une commune non seulement lointaine (en termes martiniquais, s'entend), mais aussi excentrée de toute autoroute, et donc particulièrement vulnérable à l'effet délétère du ti-punch au volant. Nous ne pouvions dicter leur conduite à nos autres invités, mais pour les Marinois que nous étions, tout comme Raymond Marie et sa femme, la solution était le spacieux taxi du copain Pierrot, toujours disponible à toute escapade.
Troisièmement, l'incontournable détour par le coiffeur. Celui voisin de la marina ne sait pas défriser Azur... et même pour mes cheveux plats, il n'a pas de place sans réservations avant lundi prochain. Par chance, Raymond Marie a une copine dans le métier, ce qui résout le problème d'Azur, tandis que je me glisse juste au bon moment au salon au-dessus de chez Annette pour faire raccourcir ma tresse hirsute et ma barbe bien emmêlée.
Enfin, la garde-robe. Impossible de retrouver le pantalon qui doit accompagner ma veste crème acquise pour la Noël d'il y a deux ans chez Armande. C'est Henrietta qui avait pris l'initiative de l'emporter chez le nettoyeur pour le débarrasser d'une tache de vin rouge mal placée, ouf. Azur, elle, après avoir contemplé avec perplexité une redoutable collection de souliers soit inconfortables, soit inappropriés, découvre (à côté de chez Annette aussi, tiens!) juste les sandales noires à la fois agréables à porter et à voir qu'il lui fallait.
C'est donc en toute élégance et en bon ordre de marche que, vers les 11h15 hier matin, nous nous sommes mis en route. Marie-Julie Brédas, avec son immense sourire fleurissant dans un océan de taches de rousseur, nous attendait sur le pas de la porte, la courte barbe grise soulignant la trogne ronde de son grand chef de mari étant déjà plongée dans ses fourneaux.
Une demi-heure plus tard, tous nos invités étaient sur place, assis ou flânant autour du bar abondam-ment pourvu, tandis que circulaient des plateaux d'accras du plus haut niveau. Même l'inconditionnel cervoisophile Jean-Yves s'était mis au ti'punch...
Outre Raymond Marie et Alex Cressant, amis d'Azur depuis plus de cinquante ans et de moi depuis quarante, nous avions retracé et réussi à attirer Georges Brival, vieux complice du temps de l'Expo '67 mais perdu de vue depuis longtemps (photo). Pour rajeunir un peu le groupe, les cinquantenaires Léna et son Québécois de mari s'ajoutaient aux cousins Charles et Daniel et à leurs compagnes Raphaëlle et Edmée.
Le temps étant au beau (anormalement pour la localité en cette saison), on avait retiré toutes les cloisons mobiles de la salle à dîner, et nous baignions en pleine nature, dans le magnifique jardin tropical que les Brédas se sont aménagé au bord d'une profonde ravine. Le foisonnement de fleurs et de feuilles multiformes et multicolores,
combiné au raffinement du décor de tentures, de nappes et de serviettes de soie brodée et de verrerie de fin cristal, créait un effet magique qui influençait tout doucement l'atmosphère et les conversations.
Lorsque nous sommes passés à table, la glace était rompue de toutes parts, et un judicieux emmêlement des couples et des sexes a encouragé les conversations déjà entreprises à se poursuivre sans hiatus. Politique, voyages, bouffe et santé par ci, échange de souvenirs par là, nouvelles de vieilles connaissances perdues de vue par ça, sans compter les blagues, les piques et autres taquineries.
Comme nous avions laissé à Jean-Charles toute liberté quant au menu, la première entrée froide, un tartare de poisson très doux accompagné d'une salade bien pimentée, a constitué une joyeuse surprise. Idem pour un socle de tinés (bananes légumes) légèrement épicé sur lequel trônait une moëlleuse escalope de foie gras tiède. Si bon que les conversations se sont momentanément rompues.
Il a bien fallu qu'Azur interrompe les festivités le temps de sa pose traditionnelle avec le maître de maison. Il faut dire que lors d'un précédent passage, la photo d'elle enlacée avec Jean-Charles Brédas avait fait la une du numéro de l'Express consacré aux délices de la Martinique, à la légitime fierté des deux participants.
Nous avions ensuite le choix entre une fricassée de ouassous (écrevisses de rivière) et une côte de veau rosée, qui n'ont laissé personne sur sa faim, d'autant plus que les vins (blancs, mais surtout rosés et rouges, on est en Martinique, non?) conseillés par le jeune sommelier encourageaient les appétits.
Il était bien 16h30 quand le groupe a commencé à se dissoudre à regret, après un dessert aussi varié que délicat, des cafés et infusions et un digestif de vieux Saint-Étienne en état de grâce. Juste au moment où la pluie nous tombait dessus, mais après tout, on était à Saint-Joseph!
Le dernier épisode s'est donc déroulé sous la marquise du restaurant face au stationnement transformé en mare aux canards, pressés les uns contre les autres à l'abri de l'averse, attendant que Marie-Julie et son adjoint fassent la navette vers les voitures, armés d'immenses parapluies.
Ça valait (presque?) la peine d'attendre 45 ans pour vivre ça!
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