12 décembre 2008

6 novembre 2008

Reprise du blogue après un long hiatus montréalais sans grand intérêt, ponctué seulement par la nouvelle d'un ouragan tardif (8 octobre) et atypique qui a frappé la côte Caraïbe de la Martinique et causé pas mal de dommages, en particulier du côté de l'Anse Mitan, comme le montre la photo que nous en ont transmise Léna et Jean-Yves.
Nous allions repartir pour Montpellier lundi le 3 novembre, mais Azur devait parler à Évelyne, son médecin, et moi attendre des nouvelles de mes examens de check-up annuel. Cela nous donnait une excellente excuse pour retarder le départ de deux jours, le temps de suivre dans les meilleures conditions la soirée électorale américaine depuis Montréal.
La plupart de nos amis et connaissances étaient inquiets, habités d'une crainte quasi maladive qu'au dernier moment un quelconque coup du sort empêcherait la réussite d'Obama, unanimement souhaitée. Curieusement, pas moi: les circonstances me rappelaient trop celles de la première élection gagnée par le Parti québécois, le 15 novembre 1976.
Cette fois-là comme maintenant, tout concordait pour laisser prévoir une facile victoire, non seulement les sondages et le climat général, mais aussi la fébrilité et les gaffes de dernière heure du parti adverse. Cependant, les indépendantistes avaient été tant de fois déçus au moment où le succès semblait à leur portée, qu'ils se montraient exagérément défaitistes, comme pour se prémunir contre une autre déception. Je percevais le même sentiment trente-deux ans plus tard chez les Démocrates en général et surtout chez les Américains de couleur.
C'est certainement le consensus qui s'en dégageait autour de la table quand nous avons lunché la semaine dernière au Mas des Oliviers -- un des lieux quasi mythiques de notre folle jeunesse, ex-discothèque devenue bon restaurant de cuisine traditionnelle française -- avec deux de nos plus vieux et plus fidèles amis, Ingrid Saumart et François Piazza (avec sa compagne Andrée). Le ton n'était certes pas à l'optimisme, même si le repas s'est déroulé sur une note bien festive, accentuée par la présence derrière le bar d'une autre vieille copine, l'ex-comédienne Élise.
Pour ma part, ce mardi soir, dès que les animateurs plutôt conservateurs de CNN (que nous suivions principalement, pour la rapidité et la diversité de ses informations) ont annoncé, mi-figue-mi-raisin, un triomphe net d'Obama en Pennsylvanie, où les Républicains avaient tout misé en fin de campagne, j'étais prêt à célébrer...
Cinq minutes à peine après que les réseaux américains ont prédit avec un beau synchronisme la victoire certaine du candidat démocrate, le téléphone sonne: c'est ma soeur Marie qui veut être la première à partager notre plaisir. C'est donc par ligne téléphonique interposée que nous trinquons ensemble au succès de Barack Obama, elle et Jean au champagne américain dans leur condo du Plateau, nous dans Côte-des-Neiges au porto blanc (Azur, à sa grande frustration, ne digère plus le champagne!).
Même si le résultat dès lors ne fait plus de doute, mes vieilles passions de journaliste politique m'ont tenu éveillé devant l'écran jusqu'au beau milieu de la nuit, aussi bien pour évaluer les derniers résultats que pour écouter les commentaires des analystes, pour la plupart abasourdis de l'ampleur de la déroute républicaine malgré tous les signes avant-coureurs. Ils devaient avouer que ni les sombres prédictions d'un racisme latent dans les régions sudistes (le fameux "effet Bradley" espéré par les uns, craint par les autres) ni les tentatives pour semer le doute sur le manque d'expérience ou le patriotisme d'Obama n'ont eu prise sur un électorat dont l'idée était faite depuis quelques semaines déjà.
Entre-temps, j'avais écouté avec intérêt et une certaine surprise le beau discours dans lequel John McCain non seulement admettait avec grâce la victoire de son rival, mais encore s'en réjouissait presque, soulignant le caractère historique de l'événement et les immenses espoirs que portait le candidat métis. Il terminait en s'engageant de façon catégorique, émotive même, à collaborer sans arrière-pensée avec son futur président. Je me disais que s'il avait fait preuve du même fair-play et de la même élégance d'esprit pendant la campagne, le résultat aurait pu être tout autre.
Azur, réveillée juste au bon moment, est venue me rejoindre pour entendre l'intervention de Barack Obama face à la gigantesque foule rassemblée au Grant Park de Chicago. Quand il s'est avancé tenant par la main sa femme Michelle et ses deux fillettes, j'imagine que bien d'autres que nous avaient les yeux humides. Un moment que la plupart ne croyaient pas voir de leur vivant.
Nous avons écouté le discours plutôt deux fois qu'une: d'abord directement en anglais sur CBS ou NBC, puis en traduction simultanée sur Radio-Canada. Sans nous lasser le moins du monde, l'éloquence habituelle du candidat étant au rendez-vous, aussi bien que la qualité du contenu. Si les premières heures suivant sa victoire sont un juste aperçu de son action future, Barack Obama promet d'être un remarquable Président.
Mieux encore, je sens que son avènement marque plus et mieux que la fin du désastreux épisode G. W. Bush: combiné à la prise de conscience provoquée par la crise économique en cours, il sonne le glas de l'hyperlibéralisme économique bébête à la Bush-Thatcher. Les États-Unis n'en deviennent pas pour autant un pays de gauche, mais en choisissant un Président modéré, certes, mais à la sensibilité et aux convictions nettement progressistes, ils s'écartent enfin de la pensée unique de droite qui y régnait sans partage depuis près de trente ans. L'État cesse d'être LE problème pour redevenir au moins un élément clef des solutions, l'économie n'est plus le seul critère et maître du jeu, elle se retrouve un outil pour réaliser ou améliorer le bien-être du peuple autrement que par les effets indirects et aléatoires d'un quelconque "tricke-down effect".
Pas besoin de dire que mercredi, jour du départ pour Paris et Montpellier, nous étions plus ou moins en forme. Dans un premier temps, pas de problème: nous étions logés en classe affaire sur Air France, donc enveloppés dans un superbe cocon de confort et de service. Nous avons même dormi quelques heures en route vers Charles-de-Gaulle... où les choses, hélas, se sont gâtées.
D'abord, l'avion nous a déposés loin de l'aérogare de destination, vers laquelle il a fallu prendre un car bondé puis une série d'interminables couloirs. Le temps de récupérer nos bagages, nous avions raté le TGV direct de 7h25 que nous espérions prendre vers Montpellier. Patatras, le train suivant de 9h45 est complet, et le prochain direct n'est qu'à 13h30.
Nous n'avons pas envie de passer cinq heures en état de quasi-zombies écrasés au salon de l'aéroport. Il faut donc nous résigner à faire le trajet en deux étapes, avec une escale de près de deux heures dans la petite gare froidement moderne d'Orange, au milieu d'un terrain vague, loin de toute agglomération. Heureusement, nous y trouvons un café assez correct qui offre des sandwiches chauds et des salades... et des voisins de table sympa, dont la conversation distrait une Azur au bord de l'énervement.
Mais c'est seulement vers 16 heures que nous parvenons enfin dans notre appartement du chemin de Moularès que, selon sa belle habitude, la fidèle Ingrid a rendu tout à fait hospitalier, stockant même le garde-manger et le frigo en jus, eaux minérales, lait et beurre frais, pain, confitures, fromages, etc. Un goûter copieux arrosé d'un bon verre (le bar était resté bien garni) a contribué à nous remettre en forme et à nous prédisposer à une (longue, très longue) nuit réparatrice.

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