03 avril 2014

La Fête à bord et à tribord

Trois jours de suite en pleine mer. Les premières fois que ça se produit, on dit «Ouf!» et on en profite pour récupérer. Mais après trois mois de cette routine (ou lorsqu'on est plein de jeunesse et d'énergie), ça finit par lasser et les équipages de paquebots doivent se creuser la tête pour tenir occupés leurs centaines, parfois leurs milliers, de passagers devenus turbulents. Ce qui me donne l'occasion de glisser un mot sur certains aspects du style de vie à bord.
Hier soir sur le Seabourn Sojourn, la Directrice de croisière Jan et ses adjointes Sophie et Heather avaient choisi, pour passer le temps, d'organiser une soirée sur le thème des «Rocking Fifties», d'Elvis Presley et Little Richard jusqu'à (en débordant un peu) les Supremes et les Beatles...
Le buffet de La Colonnade avait été transformé, par l'addition de rubans chromés et de papier-crêpe pourpre et vert virulent judicieusement positionnés, en un diner de l'après-guerre. Une soixantaine d'invités triés sur le volet y prenaient place devant des menus inscrits sur d'anciens albums vinyle réimprimés à leur nom. On débutait donc la soirée en dégustant des ice cream sodas aux fraises ou au chocolat accompagnés de cheesies, de pelures de patate gratinées et autres ailes de poulet frites, le tout servi par un personnel déguisé en jeans au bas replié et t-shirt (avec l'inévitable paquet de cigarettes troussé dans le haut de la manche). Suivaient soit des chili dogs ou des hamburgers michigan-frites, soit un pain de viande sauce brune «façon maman» ou des spare ribs dégoulinants de sucre caramélisé, pour terminer avec un banana split ou un sundae à la guimauve. Rien que de très bon pour l'embonpoint!
La «cream de la cream», dont nous étions (ben voyons!), sortait ensuite se mêler au bas peuple déjà attroupé autour de la piscine centrale dont un bout était transformé en scène de spectacle. Le mini-orchestre autour de notre copain pianiste Dimitri et de la corpulente et talentueuse saxophoniste avait déjà commencé à chauffer la salle sur des airs de Bill Haley et cie.
Un nombre étonnant de passagers s'étaient costumés pour l'occasion: tatouages sur les biceps, pedal-pushers, pantalons toréador et même deux ou trois crinolines. Assez, en tout cas, pour que la sauce se mette à prendre dès que la chanteuse Elise et ses congénères Roy, Leanne et autres ont pris le micro pour des «covers» assez réussis de «Heartbreak Hotel», «Let's Twist Again», «Johnnie Be Good», «Little Susie», «Blue Suede Shoes»...
En quelques secondes, négligeant les oscillations pourtant perceptibles que la vague imprimait au plancher de danse, les mémés enveloppées et les papys déplumés se sont mués en teenagers infatigables, virevoltant dans un jive retrouvé par miracle (ou réappris lors des cours donnés le matin par le capitaine Dexter en personne). Après un hoquet d'hésitation, les plus jeunes, quadras et quinquas, se sont pris au jeu et sont entrés dans la ronde, suivant le serpent ondulant mené autour de la piscine par la rousse grand-mère Sandy.
Azur elle-même a oublié instantanément sa canne et son équilibre précaire pour céder aux sollicitations du Don Juan de service à demi chauve Marv, puis au lieu de se rasseoir, est venue m'arracher à mon fauteuil (et, plus grave, à mon Remy Martin) pour un danser-collé sur «Love Me Tender» ou autre chef-d'oeuvre similaire du pop sirupeux. De là à enchaîner sur «La Bamba» puis «Don't Be Cruel», il n'y avait qu'une stépette, aisément franchie...
Il était minuit passé quand nous avons regagné tant bien que mal notre cabine. Et ce matin... disons qu'un lendemain de la vieille n'était pas totalement imprévisible — surtout que la soirée avait débuté au champagne, faisant double emploi comme célébration de nos Noces d'Or!

Aucun commentaire: