08 janvier 2007

Douche et alizés


(7/12/2006) Enfin une bonne douche! Le vent s'est quelque peu calmé ce matin, mais de gros nuages à l'arrière annoncent un grain qui se pointe bientôt agrémenté d'une abondante averse d'eau presque chaude. Tout le monde sur le pont en maillot de bain, savon et éponge à la main. C'est plus agréable, et surtout plus efficace, que l'eau de mer dont nous avions tendance à nous contenter par mesure d'économie.
Depuis quatre jours, nous avons mis le cap directement à l'ouest pour profiter des alizés, enfin rejoints autour du 19e parallèle. Mais il faut naviguer "en ciseaux", c'est-à-dire une voile d'un côté, une de l'autre, une configuration pour laquelle le cata n'est pas vraiment fait. Cela rend le pilotage délicat, car au moindre changement dans la direction du vent, soit le génois, soit la grand-voile change de bord avec fracas, et il faut corriger d'urgence si on ne veut pas perdre le gros de notre vitesse et de notre élan. Aprés quelques essais, Gérard descend la grand-voile et adopte une formule peu orthodoxe: le génois d'un côté, le gennaker de l'autre, ce qui nous donne autant de vent et bien plus de stabilité. Nous continuerons à naviguer ainsi pendant plusieurs jours.
Il ne reste plus de pain frais et peu de fruits, à part quelques oranges, des pommes un peu ridées qui ne goûtent pas grand-chose et de savoureuses dattes nord-africaines dont nous regrettons de ne pas avoir fait plus ample provision à Tenerife. Par contre, grâce à l'imagination d'Azur et de Gérard, les menus demeurent succulents et variés: riz noir au fruits de mer, poivrons farcis, tortilla espagnole, poisson frais (pêché presque quotidiennement) à toutes les sauces, sans compter des entrées dont nous ne nous lassons pas d'un jambon jabugo qui semble s'améliorer de jour en jour, exposé au grand soleil et au grand vent sur son support dans le cockpit arrière. La seule véritable inquiétude alimentaire est la baisse des réserves d'eau, que Gérard surveille avec un soin jaloux. À son avis, si le voyage dure encore plus d'une semaine, il faudra penser à nous rationner.
Heureusement, de savants calculs et d'optimistes prévisions sur la météo nous convainquent qu'on arrivera à la Martinique au plus tard le 14 décembre. Charles, qui ne se sent pas bien depuis deux ou trois jours, commence à compter les heures qui le séparent d'un débarquement au Marin. Il s'est tapé une crise de foie, qui semble s'être muée en mal de mer. Une éventualité qu'il rejette avec fureur, lui qui, fils de pêcheur et pêcheur lui-même, n'a jamais connu cette maladie honteuse entre toutes pour un marin.
On décide que demain, nous changerons officiellement de fuseau horaire: depuis le départ des Canaries, nous en étions restés à l'heure de Greenwich, alors que le soleil prenait de plus en plus de retard sur nous. Il en est rendu à se lever vers les 9h30 et à se coucher vers les 9 heures du soir, ce qui nous déphase, et pas qu'un peu. Le plus logique serait de se mettre dès maintenant à l'heure de la Martinique, qui correspond à une heure près à celle de notre longitude actuelle. Ce que nous ferons dans la matinée.

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